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Littérature de jeunesse et globalisation

Comparative Children'Literature, traduction d'un ouvrage majeur d'Emer O'Sullivan, trace l'historique de la littérature de jeunesse comparée et s'interroge sur le statut de classique de la littérature de jeunesse,sur les enjeux posés par la traduction, et sur les conséquences de la globalisation sur la littérature et la culture de la jeunesse.

Emer O’Sullivan

 

Comparative Children’s Literature

 

Publié en 2000, Kinderliterarische Komparatistik d’Emer O’Sullivan, Irlandaise Professeur de Littérature anglaise à l’Université de Lüneburg, fut d’emblée un succès majeur. Son auteur remporta l’International Research Society for Children’s Literature Award et l’ouvrage fut recensé dans toute l’Europe. Mais, comme le remarque Siobhan Parkinson ( Children’s Books in Ireland,29, Spring 2002, 49-50), écrit dans un allemand somptueux et académique, il semblait hors de portée pour la plupart des lecteurs non germanophones, même bien versés dans la langue de Goethe ; une traduction anglaise semblait bienvenue, et c’est chose faite en 2005 (Comparative Children’s Literature, Routledge).

 

 

 

De façon pionnière, Emer O’Sullivan s’intéresse aux changements qui se produisent à tous niveaux lorsqu’il s’agit de traduire la littérature de jeunesse. Sa réflexion, souvent nourrie par l’esthétique de la réception, cerne les enjeux de la traduction et de l’adaptation des ouvrages destinés à la jeunesse, et s’interroge sur la notion de « classique » de la littérature de jeunesse, lançant nombre de problématiques confirmant le statut littéraire de la littérature de jeunesse et l’importance d’une démarche comparatiste dont voici quelques aperçus.

 

 

La conception que l’on se fait, à une époque donnée, de la jeunesse ainsi que la fonction assignée à la littérature de jeunesse sont des facteurs à retenir pour aborder l’étude des textes. Le modèle traditionnel de la littérature de jeunesse est longtemps resté ancré dans une époque, le XVIII°siècle, et dans un espace, celui de l’Europe de l’Ouest principalement. Avec son concept de Weltliteratur, le cosmopolitisme littéraire de Goethe pensait transcender les frontières linguistiques et culturelles, alors que les chefs d’œuvre internationaux ne sont pas universels mais largement « eurocentrés ». Si définir le classique pour la jeunesse est délicat, car la notion de succès durable y est souvent associée, tandis que la question de la réception par le jeune lecteur reste cruciale,  Emer O’Sulllivan note cependant que le classique pour la jeunesse est souvent une adaptation des œuvres de la littérature « pour adulte » (R.Crusöe, Don Quichotte) ou de la tradition orale (contes et sagas), ou est spécifiquement écrit pour la jeunesse (Pinocchio). Anciens et européens, ces textes sont actuellement largement relayés par les mass-media.

 

 

La littérature de jeunesse dépend aussi de la conception que l’on se fait de l’enfance. Emer O’Sullivan cite, entre autres  travaux consacrés à l’ éducation des jeunes européens, ceux de Paul Hazard ( dans Les Livres, les enfants et les hommes, 1949) : si les anglo-saxons permettent aux enfants d’exister par eux-mêmes, les latins privilégient l’adulte dans l’enfant : cela n’est pas sans incidence sur la littérature que l’on propose à la jeunesse : aux Français les aventures de Babar, soigneusement cadrées par le monde parental, aux Américains Huckleberry Finn ou Tom Saywer et la quête de l’autonomie. La littérature de jeunesse est toujours porteuse de valeurs, généralement celle de la société qui la reçoit, à moins qu’elle n’assume des fonctions subversives, notamment lorsque la littérature pour adultes est sous contrainte.

 

Volontiers internationale, la littérature de jeunesse est couramment traduite ou adaptée, et le  « jeune lecteur –type » n’existe pas, tant interfèrent de facteurs - notamment celui de sa connaissance du monde et de sa capacité à mener une lecture « historique ». Certains théoriciens de la traduction (par exemple Riita Oittinen) considèrent d’ailleurs que le texte originel a peu d’autorité ; il s’agit de traduire pour les enfants et non de traduire de la littérature de jeunesse. Ce point de vue, qui ne peut pas embrasser tout le champ de la traduction de la littérature de jeunesse, met cependant l’accent sur l’enjeu de la traduction ou de l’adaptation. L’analyse des traduction et adaptations de Pinocchio par l’auteur confirment l’attention que l’on doit porter aux travaux de traduction et d’adaptation.

Ces réflexions prennent toute leur importance à l’époque actuelle de la globalisation. La possibilité d’altération arbitraires » peut avoir plusieurs facteurs, notamment celui de répondre aux contraintes du marché. La littérature  de jeunesse internationale est en fait « la littérature de jeunesse d’une partie du monde pour les enfants de toute la terre » et le marché international autant que la globalisation menacent la spécificité culturelle véhiculée par les œuvres. Cet aspect est manifeste en ce qui concerne les illustrations, mais peut s’imposer à la rédaction elle-même : les contraintes de coût peuvent aboutir à une illustration « internationale » , insipide parce que débarrassée de tout pittoresque, et à un texte édulcoré.

 

Si l’on n’y prend garde, l’idéalisme de la Weltliteratur peut être remplacé par le réalisme du marché, et l’Utopie d’une République de l’enfance par un marché mondial de l’enfant. La littérature de jeunesse a désormais acquis ses lettres de noblesse littéraires, et la discipline naissante de la littérature de jeunesse comparée ne peut que lui apporter des éclairages salutaires.

 

Rédactrice : Marie Musset

 

 

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