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Interroger la littérature autrement

La lecture de La petite Sirène d'Andersen de la maternelle à l'université dans le cadre d'une expérimentation INRP ouvre des voies à la diversification des dispositifs pédagogiques et didactiques en littérature


Une autre façon d’interroger la littérature, de la maternelle à l’université Compte rendu de la séance du 24 janvier 2007

 Intervenants Danielle Dubois-Marcoin, responsable de l'équipe sur projet Littérature et enseignement à l'INRP, auteure de divers travaux sur la littérature de jeunesse et l'enseignement de la littérature
 Jean Jordy, inspecteur général de l'Éducation nationale, auteur de différents ouvrages sur l'enseignement de la littérature
Rencontre animée par Jean-François Massol, professeur des universités, université Stendhal de Grenoble

La question sera discutée à partir d’une expérience menée à l’INRP par l’équipe « Littérature et enseignement »: la lecture d’un même conte, La petite Sirène d’Andersen, en France et dans plusieurs pays étrangers, à divers niveaux de classe.
La mise en dialogue des pratiques autour de ce texte, qui a opéré des déplacements chez les enseignants et leurs élèves, a permis de distinguer des conceptions variées de la littérature, mais aussi des nuances entre une « lecture littéraire » et une « lecture du texte littéraire ».Quelles conclusions tirer de ce travail, au moment où un « domaine de la littérature de jeunesse » est officialisé à l’école élémentaire? Au moment de la définition, en France, du socle commun des connaissances et des compétences qui définit un espace à la « culture humaniste » dans le cadre du cursus scolaire obligatoire (c’est à dire, en gros, du cours préparatoire à la classe de troisième au collège pour l’enseignement général).

 En introduction, JF Massol a inscrit le débat dans le contexte actuel de la crise de l’enseignement littéraire souligné par de nombreux chercheurs depuis quelques années (Todorov, encore récemment …). La question essentielle aujourd’hui est bien celle-ci : ne pas dissocier le comment du pourquoi lire.


Présentation par Danielle Dubois Marcoin de l’expérience conduite à l’INRP :

 Lire La petite Sirène d’Andersen de la maternelle à l’université, en France et ailleurs pour interroger l’enseignement de la littérature.
 Le dispositif de recherche a été le suivant :
- Proposer un même texte à lire de la maternelle à l’université,
- éviter d’induire dès le départ des démarches auprès des enseignants,
- amener ces enseignants associés à se rencontrer afin qu’ils mutualisent leurs questions, réflexions et projets de travail ,
- entamer cette mise en oeuvre, collecter et échanger les comptes-rendus d’expérience, les témoignages (transcriptions de débats dans les classes, films, travaux d’élèves).
- Un certain temps (environ deux mois) après le travail de lecture dans les classes, interroger la mémoire des sujets-lecteurs élèves, interroger les enseignants sur les déplacements dans leur fonctionnement professionnel.

Le choix du texte était pour nous déterminant:

Nous l’avions retenu parce que nous savions qu’il était susceptible de faire émerger des questions essentielles concernant l’enseignement de la littérature aujourd’hui. Le conte d’Andersen s’avère « résistant » à plus d’un titre, disons qu’il provoque des réticences chez les enseignants :
- avec La petite sirène, nous avions affaire à un conte, mais un conte d’auteur et un conte romantique, qui questionne plus qu’il n’apporte de réponses rassurantes et définitives, et qui, par conséquent, supporte mal les grilles d’analyse réductrices généralement convoquées pour aborder le récit.
-Les longues descriptions, poétiques, inquiètent les enseignants qui ont tendance à supposer d’emblée qu’elles ne peuvent qu’ennuyer les élèves qui n’auraient d’intérêt que pour l’action... En fait, l’ expérience a généralement prouvé le contraire : dès le plus jeune âge, les élèves se sont montrés assez fascinés par la description des fonds sous-marins, par exemple.-
- Au départ certains enseignants sont gênés (du fait du principe de laïcité) par la dimension spirituelle qui traverse tout le récit et précisément par la fin qui fait référence à l’immortalité de l’âme dans une perspective chrétienne (largement travaillée en réalité par les mythologies nordiques qui intègrent davantage l’humain dans l’espace cosmique que dans une sphère régie par une volonté divine unique dans le cadre d’une pensée monothéiste ). Certains choisiront donc des versions qui occultent cette fin et le regretteront par la suite. -Enfin, peu d’enseignants avaient lu effectivement le texte d’Andersen et beaucoup ne l’appréhendaient qu’à partir de leurs souvenirs de l’adaptation de Walt Disney, adaptation qui transforme radicalement le conte et qui, par ailleurs, est souvent considérée comme un objet relevant de la culture de masse ou du moins de la culture privée des élèves. Il s’agit donc bien d’un texte littéraire d’une grande consistance tant sur le plan philosophique qu’esthétique. Les élèves y ont été sensibles, les enseignants aussi. Quelles conceptions, chez les enseignants des premier et second degrés de la littérature et de son enseignement à travers cette expérience ? Quelles programmations et pratiques ?
-Les professeurs d’école (surtout ceux qui n’ont pas suivi un filière littéraire à l’université) n’ont pas vraiment le sentiment de disposer d’outils d’analyse littéraire, contrairement aux professeurs de lycée et collège, spécialistes de la discipline. Ils ont plutôt le sentiment d’être des spécialistes de l’enfant-élève. Mais la lecture de textes littéraires est inscrite explicitement au programme depuis 2002 et ils disposent de textes d’accompagnement pour la mise en oeuvre. Ces programmes reposent surtout sur une liste d’ouvrages conseillés et l’idée que les élèves doivent en lire au moins dix chaque année du cycle 3. L’approche de la littérature quelque peu tirée du côté des enseignements et pratiques artistiques doit en principe ne pas se confondre avec les ateliers de lecture qui ont surtout pour fonction de consolider les compétences en matière de maîtrise instrumentale de la lecture, et maîtrise de la langue écrite de manière plus large. Ces enseignants se sentent donc beaucoup moins déterminés dans l’organisation de l’enseignement de la littérature par l’idée de programme, de notions ou d’objets d’étude à travailler que leurs collègues du second degré.

- Effectivement, quand on leur propose de lire le texte d’Andersen, les enseignants du second degré se réfèrent immédiatement à la notion de séquence à organiser à partir d’un ou plusieurs objets d’étude qui justifient que l’on retienne tel ou tel texte . Ils envisagent donc de lire La petite Sirène dans le cadre de la séquence consacrée au récit court en seconde par exemple, ou dans celui consacré au conte en 6ème. Mais pratiquement tous reconnaissent n’avoir jusque là jamais proposé ce texte à leurs élèves dans le cadre d’une approche générique du conte, qu’ils mènent habituellement à partir de Perrault et de Grimm, « qui permettent de mieux illustrer le programme », comme le dit l’un d’entre eux. Le sentiment qu’on ressent souvent chez les enseignants du second degré, c’est la nécessité de faire entrer le texte dans une case prévue par le programme. Mais précisément, le conte d’Andersen ne se laisse pas enfermer aussi facilement que cela. Ils choisissent donc de le faire lire une fois les repères génériques installés à partir de contes jugés plus canoniques, comme s’il s’agissait d’un préalable nécessaire pour entrer en intelligence avec le texte d’Andersen.
-Les groupements de textes proposés, à de rares exceptions près, amènent à un travail de comparaison avec des passages de l’Odyssée mettant en scène les sirènes ou une métamorphose (textes qui figurent dans les manuels de collèges). Or la sirène de l’Odyssée ne renvoie pas au personnage que les Anglais nomment Mermaid, la jeune fille à queue de poisson (par opposition à Siren, mi oiseau-mi humaine). Mais personne ne convoque vraiment de textes qui renvoient aux personnages mythiques de l’Ondine (récit de Friedrich La motte Fouqué, pièce de Giraudoux, poème d’Aloysius Bertrand) ou de la Lorelei Clemens Brentano, Heinrich Heine, Apollinaire), empruntés à la littérature de l’Europe du nord et à la tradition romantique de mondes parallèles où vivent des êtres étrangement inhumains et d’apparence pourtant si proche de nous ; pas de travail, à une exception près, sur la figure de Mélusine empruntée au folklore celte. Autrement dit, le rapprochement en secondaire avec des textes non directement rattachés à la tradition gréco-latine ne semble pas aller immédiatement de soi, même quand les enseignants disposent personnellement de références culturelles plus larges . C’est là un fait à questionner compte tenu de la perspective européenne dans laquelle l’école prétend s’inscrire désormais.

- Chez les enseignants du premier degré, qui n’ont pas à se poser la question de justifier la lecture de ce texte (il fait partie de la liste du cycle 3, comme de celle de 6ème), des inquiétudes vont cependant apparaître au départ, quant à son accessibilité : texte long, écrit dans un niveau de langue jugé difficile pour les élèves, qui va entrer en concurrence avec l’adaptation de Walt Disney que les élèves connaissent tous.
 Les solutions adoptées seront les suivantes :
 -lecture magistrale par dévoilement progressif (principe que reprendront certains enseignants du secondaire) qui permet un partage immédiat du texte long et difficile. Pas un ne donnera le texte à découvrir en lecture autonome à la maison, tout cela en conformité avec les textes officiels, -confrontation des différentes versions ou adaptations illustrées du conte, confrontation avec le dessin animé,
- mise en réseaux souvent centrés sur l’auteur et parfois selon le mode de la découverte active (étude d’autres textes d’Andersen sans signalement de son nom) ce qui permet le repérage progressif d’un univers d’auteur bien spécifique. Curieusement la figure d’auteur est moins souvent abordée au secondaire, où l’on travaille plutôt des réseaux thématiques (la représentation de la mort dans les fictions), de réseaux centrés sur un motif ( la figure de la sirène dans l’Odyssée).

- Dans le second degré, on ressent un réel souci d’aboutir à une structuration et une objectivation, qui conduit à une synthèse assez abstraite et consensuelle, même à l’issue de débats qui ont fait apparaître des appréciations personnelles opposées (fin heureuse ou non ; appréciation opposée des personnages, de leur conduite) : les professeurs de collège aboutissent ainsi généralement à une mise en schéma de la trajectoire spatiale de la sirène (eau/terre/air) établissant des tableaux comparatifs entre les différents milieux dans le cadre d’un travail sur les notions d’espace et de temps dans le récit. Certains renoncent cependant à cette intention d’objectivation et réajustent leurs projet didactiques de départ : « je me suis laissée guidés parles élèves » .
 - A partir de ce texte fort , se pose, assez rapidement en effet, la question de la réception personnelle des élèves qui sont aussi des sujets lecteurs. Les enseignants du secondaire craignent parfois, lors des discussions, que le débat dérape et fasse émerger des préoccupations intimes de leurs élèves (réactions à la cruauté de certains passages, aux éléments de sexualité sous-jacents, et surtout aux éléments de spiritualité : « Pour le débat sur le caractère heureux ou malheureux du dénouement, je n’ai pas voulu lui donner trop d’importance car je me suis aperçu que très vite on arrivait à des jugements de valeur sur ceux qui étaient « croyants » et ceux qui ne l’étaient pas pour reprendre le terme employé par les élèves. »

-Le débat d’interprétation (ou encore d’opinion) semble davantage une pratique courante à l’école élémentaire et les enseignants (du moins ceux avec qui nous avons travaillé) ont tendance à les encourager sans réticence, sans vraiment craindre les affrontements inciviles entre les élèves (qui ne se sont jamais produits) ou l’intrusion dans le domaine de la pensée privée. Cela vaut du moins chez les maîtres confirmés, car les nouveaux entrants ont plus de mal : ainsi certains organisent un débat philosophique préalable sur la mort avant d’aborder le texte qui pose la question de la mort. Comme de nombreux textes littéraires, celui d’Andersen constitue pourtant un objet de médiation partagé et précieux pour le développement d’une réflexion (d’une méditation) collective sur l’essence humaine comme le prouve ce fragment de discussion recueilli dans une classe de CM2 recueilli par Sylvie Guesdon, dans une école près d'Amiens:
 Marine : Depuis tout à l’heure/// Dylan et Antoine/ils savaient pas exactement si /elle avait une âme immortelle ou si elle était morte/mais moi je dis qu’elle n’a pas d’âme immortelle/ elles peuvent en gagner une//pour l’instant elles peuvent en gagner une…
 (suit un échange quasi théologique sur « l’entre-temps » du trépas)
 Antoine : Si elle est invisible c’est qu’elle a déjà une âme immortelle sinon elle aurait disparu.
 Loïc: en fait/ça fait un peu comme nous/on dit que quand on est mort/notre âme s’en va dans le ciel/ben c’est à peu près comme la petite sirène… (ce constat sera souvent repris en élémentaire et suscitera des échanges sereins entre enfants musulmans et chrétiens)
Maîtresse : et les autres, qu’est-ce que vous en pensez/ on ne vous entend pas.
E(s) : elle se transforme en écume donc elle est morte !
 Loïc : en fait/ elle est morte sur terre mais pas dans le ciel
 E (s) : dans l’eau/ elle s’est jetée dans l’eau/elle est morte dans l’eau …
 Loïc : donc elle est vivante dans le ciel mais pour devenir une âme immortelle/ il faut faire de bonnes actions.…

Conclusion :
- Enseignants du primaire et du secondaire ont manifestement développé des sentiments d’identité professionnelle différents dans le cadre de leur formation et de leur prise de fonction (« Pour moi ce qui compte, c’est ce qu’il y a dans la tête des élèves »/ »Pour moi, c’est le texte », disent respectivement une PE et un PLC dans un entretien recueilli par Pierrre Sève ) mais « l’effet prof » joue aussi dans la relation passée par les élèves avec le texte. Il convient donc d’amener les enseignants à conscientiser la relation profonde qu’ils ont eux-mêmes à la littérature, à son enseignement, aux attentes institutionnelles et au métier d’enseignant pour favoriser des choix clairvoyants.
 -Bien sûr les uns en sont encore aux rudiments et les autres ont affaire à des élèves plus âgés (les jeunes adolescents de collège notamment) avec qui les relations pédagogiques ne peuvent être les mêmes qu’avec des enfants.
 -La structure et le fonctionnement des établissements scolaires ne sont pas les mêmes dans les premier et second degrés. En élémentaire, l’intimité de la classe dans laquelle on reste avec le même enseignant pendant toute une année scolaire permet certainement de nouer plus aisément des relations pédagogiques satisfaisantes qu’au secondaire. Un débat peut y déborder de quelques minutes sur l’horaire prévu, ou une séance de lecture provisoirement abrégée sans que l’économie de la journée en soit bouleversée. Enfin, une remarque qui déborde le cadre de l’institution scolaire : La conjoncture historique, en matière mode dominant de critique littéraire, est particulière : on a l’impression d’arriver à la fin de l’ère du formalisme qui tend à une analyse technique objective du texte (perspective didactique du secondaire en France ?), et d’avoir pénétré dans celle de l’esthétique de la réception qui s’intéresse surtout à l’activité du lecteur ( peut-être plus proche de la perspective pédagogique de l’école élémentaire ?). Mais précisément, et je pense aux travaux de Gérard Langlade et Annie Rouxel, la notion de « sujet-lecteur » est susceptible de basculer du plan théorique à celui de la mise en pratique dans le cadre du cours de littérature, on parlerait alors de sujet-lecteur-élève. Cela passe par l’interrogation des pratiques de classe, des postures et des gestes professionnels.
-Qu’en est-il de la réception effective d’un tel texte par les élèves, de leur activité, en tant que sujet lecteur, d’un bout à l’autre du cursus scolaire ? Ce qui est frappant, c’est que, de la maternelle aux instituts de formation des maîtres en France et à l’étranger, les lecteurs enfants ou adultes se projettent très fortement dans ce texte (dans le personnage de la sirène avec qui ils entrent en empathie : il y croient ; dans l’univers décrit, notamment celui des fonds sous-marins qui rencontre leur propre imaginaire). C’est un texte qui les touche même s’il ne les séduit pas tous immédiatement (les réticences qui persistent proviennent des jeunes adolescents de 6°/5° : « c’est nul, c’est pour les filles » ); d’autres réticences vont au contraire s’effacer au cours du travail sur le texte (de « jamais je ne ferai lire cela à ma fille », on passera chez cette étudiante BTS commercial à une prise en compte plus dialectique de la dimension symbolique du texte). Tous ont fait preuve d’une lecture impliquée.
-Quels déplacements (possibles) chez les enseignants ? Dans le contexte de la recherche, les maîtres aussi s’autorisent à dire l’émotion suscitée chez eux par le texte d’Andersen. Le pire serait de refouler cette émotion, qu’il convient au contraire de prendre en compte pour en analyser et en apprécier les ressorts, ceux qui sont liés au texte et aux conditions de sa production (auteur, contexte, tradition) et ceux qui sont propres au lecteur lui-même. Il s’agit donc bien pour l’enseignant d’opérer un travail sur ses émotions de lecteur pour les mettre au service de son enseignement et permettre aux élèves d’opérer eux aussi ce travail : travailler en quelque sorte « la géologie personnelle de l’enseignant » dans sa relation à ce qu’il enseigne. Le contexte de recherche a progressivement induit des effets sur le fonctionnements de enseignants.
- Le souci affirmé de permettre un rencontre individuelle des élèves avec le texte (y compris avec les plus âgés) en leur laissant le temps de « faire scène », intérieurement, en accordant un espace à cette « scène intérieure », dans l’alternance des débats collectifs et des reprises personnelles (à travers diverses formes d’écriture, souvent aussi de transcodages chez les plus jeunes).
- Le souci de passer une négociation avec les réceptions premières des élèves pour favoriser leur cheminement progressif dans l’appropriation du texte.·
-L’acceptation d’une prise de risque (dans les débats) et de la non maîtrise immédiate et absolue de l’espace de réflexion collective qui présente souvent une part d’imprévisible, et qu’il s’agit cependant de piloter à vue et en temps réel. L’accent devrait être mis, dans le cadre de la formation, sur la nécessité d’avoir l’entendement (à la fois la sensibilité et l’intelligence) de ce qui se passe dans la classe en temps réel.
- La recherche de propositions ouvertes et diversifiées qui visent à une véritable méditation sur le texte, et débouchent sur d’autres modalité d’évaluation des activités et compétences de lecture :reprise sous la forme d’un travail sur la mémoire du lecteur deux mois après, mise en analogie personnelle avec d’autres formes d’expression artistique à partir d’une consigne, comme celle-ci « Parmi ces reproductions, choisis–en quatre qui te rappellent ce que tu as ressenti à l’occasion de la lecture de la petite Sirène et explique ton choix. » Dans cette classe de CM, on aboutit alors à des écrits très personnels et souvent assez élaborés , même s’ils sont brefs et concis…
Il s’agit en fait d’évaluer un cheminement, un processus, et non seulement un résultat à un moment « t » suivant de près l’activité conduite : un texte doit pouvoir continuer de résonner en chacun dans l’espace d’une année scolaire et plus.


Intervention de Jean Jordy

En écho à l’introduction de Jean-François Massol, Jean Jordy donne son sentiment sur les menaces qui planeraient sur la littérature dans le cadre scolaire en rappelant que jamais les programmes n’ont été aussi littéraires qu’aujourd’hui.

Il souligne aussi la nuance et le jeu qu’il y a entre « lire des textes littéraires en classe » et « pratiquer une lecture littéraire des textes» : en réalité, un texte littéraire n’est jamais épuisé. La lecture du texte littéraire repose sur une démarche avant tout inductive et l’on peut toujours exercer des parcours diversifiés d’un même texte.. Il reprend l’idée que l’instauration de la littérature comme discipline à l’école invite à réinterroger la continuité de son enseignement de l’école à l’université. Il réagit sur le dispositif expérimental qui vient d’être présenté : reposant sur la confrontation et la mutualisation, organisées entre les enseignants de différents niveaux, des questions d’enseignement, des propositions de dispositifs pédagogiques et didactiques, des effets produits sur les élèves, il constitue un dispositif de formation tout à fait productif dans la mesure où il favorise la conscientisation des représentations, hésitations ainsi que l’enrichissement et la diversification des pratiques à partir des apports des uns et des autres.
A propos du choix du texte donné à lire, Jean Jordy souligne pour conclure son interventio tout le plaisir qu’il a eu à relire La petite sirène : il s’agit d’un texte qui se compose de nombreuses strates, en distingue au moins sept :
-la strate émotionnelle (l’émotion que le texte provoque chez le lecteur) le motif : une histoire d’amour impossible
-la trajectoire du conte merveilleux
-il s’agit d’un récit d’élévation
-d’un récit cosmique (fonction philosophique)
-d’une récit spirituel
 -au coeur d’une intertextualité d’une grande richesse.

 Il dit aussi toute l’estime qu’il a pour cet autre contre d’Andersen, La petite fille aux allumettes, plus dense encore dans son procédé d’apparitions successives, renvoyant chacune, dans sa brièveté et sa concision, à toute la misère et l’injustice subies par la petite fille.

Concernant la prise en compte du sujet lecteur, Jean Jordy rappelle que la lecture analytique avait précisément pour fondement la prise en compte des réactions premières des élèves comme préalable à la conduite efficace de la lecture d’un texte. Revenant sur la question de l’organisation en séquences de l’enseignement de la littérature dans le secondaire, il rappelle le problème posé au moment de la « massification » du fait de l’absence de connivence culturelle sur laquelle les enseignants estimaient pouvoir compter jusqu’alors. Il convenait, pour donner à tous l’accès aux textes littéraires de doter ces nouveaux élèves d’une « boîte à outils » qui leur permettrait de se saisir de ces textes.

 La discussion permet de revenir sur diverses questions, notamment
- celle de la diversité des ruptures culturelles en matière de lecture qu’il convient sûrement de nuancer (travaux de l’équipe de B.Lahire et la notion de « dissonances »)
-celle des sentiments d’identité professionnelle différents chez les enseignants des premiers et second degrés, qui se construisent très vite, au moment même de l’inscription à la préparation au concours de recrutement, c’est à dire en fin de licence. -Sur le fait que la mise en place des IUFM depuis une quinzaine d’années n’a pas entamé, bien au contraire, cette différence de culture professionnelle entre premier et second degrés et qu’il conviendrait, par conséquent d’interroger la préparation aux concours de recrutement, et plus largement encore, peut-être, les modalités de ces concours. le cadre scolaire en rappelant que jamais les programmes n’ont été aussi littéraires qu’aujourd’hui.


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