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Dossier Andersen

n°226 de la Revue des Livres pour Enfants paru en décembre 2005 à l'occasion du bicentenaire de la naissance d'Andersen.


 

La livraison de décembre 2005 de la Revue des livres pour enfants (n° 226) célèbre le bicentenaire de la naissance d’Hans Christian Andersen en lui consacrant un « dossier » dont les angles d’approche des différents articles révèlent des facettes encore méconnues du conteur danois.
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Isabelle Jan et Bernadette Gromer interrogent, chacune à sa manière, la spécificité des contes, dans une œuvre importante et diverse qui regroupe des romans, des autobiographies, des  récits de voyage, des poèmes, des vaudevilles, des saynètes...

 

Isabelle Jan souligne que, très vite dans sa carrière d’écrivain, Andersen a eu conscience d’écrire une œuvre à part entière qu’il ne voulait pas voir réduire à des contes de nourrice. Ce qui fait sa spécificité, c’est la manière de traiter son inspiration proche des Mille et une nuits, très en vogues dans l’Allemagne de l’époque. Mais à la différence de la conteuse orientale qui conte à la demande, Andersen sait que les contes nous environnent et son travail consiste donc à les mettre au grand jour en exploitant des possibilités narratives de « joyeux désordre » qui plaisent tant. Après la quête, Isabelle Jan définit deux autres grandes obsessions du conteur : la pénétration qui invite l’écrivain à dépasser le visible pour aller au cœur des choses et des hommes ; le motif de l’élan et de l’élévation, formes d’un panthéisme hérité de Rousseau, qui est davantage d’ordre esthétique que mystique. Andersen pense par images.

 

Pour Bernadette Gromer, c’est « l’écriture alerte » qui retient l’attention, parce qu’elle suggère, à la manière d’Hoffmann, un univers spécifique dans lequel tout parle : la nature, les choses , les animaux et les hommes avec un langage propre compréhensible même et surtout du tout petit. La capacité à faire entendre des voix détermine une infinité de variations entre pathétique et mélancolie et surtout permet d’installer parallèlement une série d’images, d’attitudes, de caractères qui, à la manière de petites comédies fustigent les défauts des protagonistes. Pourtant, si morale il y a, c’est dans le choix d’un ton qui décrit l’acteur souvent sur le mode humoristique -qui peut aller de la malice à l’ironie et à la satire- qu’il faut la chercher. A titre d’exemple, citons la haute idée que l’aiguille à repriser a d’elle-même, qui souhaite être prise pour une aiguille à coudre.

 

En retraçant dans son article les difficultés de son travail de traducteur d’Andersen, Marc Auchet permet de porter un regard particulier sur le style du conteur danois qui, lui-même avait pu apprécier les spécificités des deux langues, la danoise et la française. « La richesse de ma langue maternelle m’a fait plaisir ; comme elle est douce et sonore quand on la parle comme il faut ». En fait, le danois prend plus de liberté avec les contraintes grammaticales que le français, ce qui lui donne une souplesse particulière. Il résulte de ces écarts une difficulté de traduction évidente, à laquelle s’ajoute la liberté stylistique d’Andersen, souvent décriée en son temps. Le traducteur s’attelle donc à une double tache : non seulement rendre le style oral des contes, mais également sa concision et son dynamisme. Il doit respecter les ruptures de syntaxe, les onomatopées dont il faut trouver des équivalents en français, les courtes indépendantes juxtaposées, l’absence de conjonction de coordination, les jeux de mots… Il doit surtout rendre une atmosphère. La difficulté essentielle réside dans la traduction des jeux de mots : quelquefois, l’impuissance à rendre compte fidèlement de l’écriture d’Andersen oblige le traducteur à le préciser en note de page. C’est ce que Marc Auchet a fait dans sa nouvelle traduction des Contes et histoires publiée en 2005 à la Pochothèque, bien éloignée des anciennes traductions, souvent celles du XIXème siècle, que nous étions habitués à lire.

 

Jans Andersen tient à rappeler l’importance des papiers découpés d’Andersen qu’il ne faudrait pas dissocier de l’œuvre écrite. Cet art particulier, véritable divertissement poétique, était familier du danois qui, avec une paire de ciseaux qui ne le quittait pratiquement pas, a ciselé silhouettes fantastiques, jouets, mobiles, poupées, mais aussi autoportraits. Souvent, ces découpages représentaient de véritables théâtres en miniature qui étaient le moyen pour lui d’être, l’espace d’un moment passé avec les enfants de ses amis, l’acteur qu’il avait toujours rêvé d’être. Un millier de découpages et collages sont encore gardés aujourd’hui dont plusieurs témoignent d’une créativité avant-gardiste qui se révèlera proche des œuvres des dadaïstes et des surréalistes des années 1920. Il puisait son imaginaire d’inspiration mythique et primitive dans son enfance. Rappelons que c’est son père qui lui avait appris la technique du découpage et que son grand-père était aussi sculpteur.

 

Joëlle Turin décline les nombreuses adaptations de La petite marchande d’allumettes. De Jean Renoir, qui réalisa un court métrage d’une demi-heure en 1928, à Tomi Ungerer qui offrit avec Allumette (1974) une satire sombre, mais somme toute optimiste du monde contemporain, en passant par Claude Lemoine qui établit un parallèle entre le conte danois et le conflit bosniaque (1999) et Sarah Moon avec Circuss qui a vu dans la mort de la fillette sa libération, la modernité du conte ne cesse d’être réaffirmée et déclinée dans des codes artistiques divers.

 

Le point de vue de deux illustrateurs qui viennent d’achever l’intégrale des cent cinquante-six contes, soit quatre cents illustrations, pour les éditions Brio (Prague) et les éditions Gründ, Dusan Kallay et Kamila Stanclova, complète également le dossier qui se conclut par une bibliographie organisée selon l’âge du lecteur (enfant ou adulte) et déclinée en trois chapitres : les études critiques sur l’œuvre, les anthologies et les œuvres séparées.

 

Christa Delahaye

INRP, CRELID

 

 


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