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Poétique des valeurs

Les valeurs transmises par le texte interrogent les notions de narrateur, personnage, lecteur et "auteur importé", Jouve Vincent.

 

Jouve, Vincent, Poétique des valeurs, Collection Ecriture, Paris, Presses Universitaires de France, 2001, 172 pages.

 

L’ouvrage de Vincent Jouve mérite intérêt dans la mesure où il aborde la question des valeurs de la littérature dans une perspective méthodologique, complétant ainsi les travaux publiés par Canvat et Legros. S’appuyant essentiellement sur La condition humaine de Malraux et convoquant les travaux de Greimas, Ph. Hamon, C. Kerbrof-Orecchioni, D. Cohn, S. Suleiman, Todorov…, Jouve distingue l’effet-idéologie (ce qui imprègne le texte à son insu) de l’effet-valeur (valeurs qu’un texte affiche ouvertement, que ces valeurs soient revendiquées ou héritées). Il définit également les « points-valeurs » comme les manifestations des valeurs au niveau local » qu’il oppose à la valeur globale qui apparaît lorsque l’instance narrative d’autorité hiérarchise les différents univers portés par les personnages. Au niveau local,  les valeurs sont portées par les personnages du texte, et particulièrement par ce qu’ils pensent, disent ou font. Que ce soit au plan sémantique (contenu, registre de langue, réseaux métaphoriques, formules modalisantes…), au plan syntaxique (par l’enchaînement juxtaposé ou logique des propos d’un personnage indiquant le degré de son engagement volontariste…) ou au plan pragmatique (par le degré de logos, pathos, ethos porté par le discours…), ce que dit le personnage révèle au lecteur un certain nombre de valeurs qui peuvent ensuite être à nouveau perceptibles dans les différents procès ( manipulation, compétence, performance, sanction) qui régissent ses actions.

L’examen des valeurs locales doit toutefois s’opérer en un va-et-vient constant avec le niveau global du roman : « Le local, écrit Jouve, ne prend sens que par rapport au global ». Ainsi, seuls certains acteurs peuvent prétendre au rôle de porte-parole du texte. Trois champs sont à examiner au niveau global : l’autorité énonciative ; la structure d’ensemble de l’histoire racontée ; les indications de lecture dont le lecteur est la cible.

Lorsque les analyses des deux niveaux concourent, tout est simple ; en revanche, la polyphonie peut apparaître quand le lecteur se trouve dans l’impossibilité de ramener les différents points-valeurs du texte à une seule orientation. Jouve parle alors de « brouillage axiologique », brouillage souvent accentué par le silence du narrateur ou de l’auteur importé, par une construction floue de l’intrigue qui ne renvoie pas pour le lecteur à un schéma générique connu, brouillage accentué encore par les ambiguïtés de l’énonciation avec des effets d’ironie et de diffraction énonciative.

On le voit, le texte peut soit favoriser la lisibilité en présentant au lecteur un schéma préexistant soit au contraire remettre en cause cette lisibilité dans le but d’éveiller la conscience critique du lecteur (Lu/lectant, Picard). En d’autres termes, il peut favoriser soit la lecture participative soit la lecture distanciée (Dufays).

Pour conclure, Vincent Jouve s’interroge: d’où viennent les valeurs transmises par le texte ?; qui visent-elles et pour quoi faire ? Ces questions restent provisoirement ouvertes. Les réponses pourraient constituer le second volet d’une réflexion qui constitue en l’état une grille d’analyse pertinente et convaincante des valeurs dans le roman.

 

 

Christa Delahaye, chargée de recherche, INRP

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