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Poésie à l'école

La revue Robinson regroupe un ensemble d'articles relatifs aux poètes étudiés à l'école primaire.

 

  Cahiers Robinson, La poésie de l’école, n°11 – 2002, numéro dirigé par Brigitte Buffard-Moret et par Francis Marcoin.

 

Ces cahiers regroupent un ensemble d’articles consacrés à la poésie de l’école.

Alice Gaultier, Poésie scolaire, poésie élémentaire.  René-Guy Cadou

Alice Gaultier aborde la poésie de René-Guy Cadou par un recueil autobiographique, Mon enfance est à tout le monde, écrit en 1947 parce qu’il témoigne de l’importance de l’école depuis l’enfance du poète dans son rapport à la poésie. Il évoque les rituels scolaires, le rôle de son père, instituteur et passeur de poésie, les vertus de l’enfance, qui sont autant de prédispositions nécessaires au poète. L’école lui fait découvrir « tous les secrets du poète », parmi lesquels la nature d’une « poésie élémentaire ».

Alice Gaultier cerne les caractéristiques de cette « poésie élémentaire », définie dans Poésie la vie entière :  c’est une poésie mémorable, qui accueille tout type de discours et témoigne de l’amour du travail bien fait. René-Guy Cadou affirme, dans Poésie la vie entière,  que « toute poésie ne redeviendra audible qu’en revenant à une simplicité, une pureté, une identité somme toute élémentaire ».  

La poésie de René-Guy Cadou, entreprise de dépouillement dans l’écriture, reste fidèle aux vertus de l’enfance.

Michèle Gorenc, François Fabié et l’école : la poésie dans l’éducation et dans la vie.

Dans cet article, Michèle Gorenc met en valeur le lien construit par le poète et professeur François Fabié entre la poésie et l’enseignement.

Son art poétique  obéit à deux principes fondamentaux : écrire clairement pour être accessible à tous et rester fidèle à ses racines rurales. Il se situe dans la lignée de l’humanisme tel qu’il est prôné par la IIIème République : élever les masses, les instruire et les amener au progrès social par l’éducation. En conséquence, la poésie de François Fabié est éducative et militante ; ce dont témoigne, entre autres, le poème Les oisillons, qui appartient au recueil La poésie des Bêtes et sera présent dans les manuels scolaires pendant plus de cinquante ans. Pour François Fabié, poésie et morale logent conjointement dans la mémoire et il revient à l’école de mettre à la portée de tous une poésie qui soit porteuse de valeurs, telles que l’amour de la patrie, l’attachement familial, le dévouement des parents , l’abnégation, la quête de l’Idéal ou la volonté de se dépasser.

Michel Haurie, Faisons l’école buissonnière avec Francis Jammes.

 Michel Haurie tente de cerner ce que fut l’école pour Francis Jammes : d’esprit vagabond, atypique,  celui-ci était en apparent échec scolaire. C’est pourtant en ce lieu qu’il développa le goût des couleurs ou de la botanique qui jouent un rôle si important dans sa poésie.

Michel Haurie déplore  la place relativement restreinte de ce poète dans les manuels scolaires, malgré les nombreux travaux universitaires qui lui sont consacrés.

Brigitte Buffard-Moret, La petite musique de Maurice Carême.

Poète et instituteur, Maurice Carême est très présent à l’école maternelle et à l’école primaire. Brigitte Buffard-Moret essaye d’en comprendre les raisons en cernant son idéal poétique. Elle fait remarquer que celui-ci s’inspire des chansons populaires et enfantines dont les structures sont particulières. Reprenant les recherches de Benoît  de Cornulier, elle distingue, en particulier, le « rabéraa » tel que celui-ci l’a défini dans son Petit Dictionnaire de métrique : c’est une structure répétitive dans laquelle une strophe de quatre vers présente la formule de rimes abaa et dans laquelle le premier vers est répété au troisième vers ; la première strophe de la chanson populaire J’ai du bon tabac peut servir de modèle. Une autre structure de chanson populaire que distingue Brigitte Buffard-Moret est celle de «  bouclage par répétition », terminologie qu’elle emprunte à Benoît de Cornulier : ce procédé consiste à terminer une unité en reprenant, parfois avec une légère variation,  les éléments du début ; le poème Le lézard du recueil Pigeon vole peut servir de modèle.

Dans les poèmes pour enfants, Maurice Carême propose de nombreux jeux sur les sons, ce qui rapproche sa poésie de la comptine.

Une citation de Maurice Carême, extraite d’un essai de Jacques Charles, paru aux éditions Seghers dans la collection « Poètes d’aujourd’hui », permet de cerner son idéal poétique : « une poésie extrêmement simple, extrêmement émouvante et gardant cependant assez de mystère pour que la magie poétique ne soit pas sacrifiée. »

Jérôme Roger, Raymond Queneau et les béhémoths : la poésie critique de la poésie.

Si les écoliers qui ânonnent les poèmes sont la cible de Raymond Queneau, c’est parce qu’ils renvoient à l’idée selon laquelle la poésie, à l’école, est objet de leçon. Pourtant, l’ânonnement appartient au rythme du poème ; il renvoie à une lecture attentive à la lettre, aux propriétés du langage. Lire  en ânonnant permet de rêver sur les lettres et les mots ; l’écolier, comme le poète, désarticule l’ordre  du dictionnaire, pour trouver  son tempo. L’art poétique de Raymond Queneau est en écho à cette première expérience des mots et l’ânonnement est une forme singulière de lecture qui appelle la vigilance à l’égard du langage.

Serge Martin, Faire poésie, faire récitation, produire un poème : chercher le ton ou chercher la voix ?

S’interroger sur les définitions de la poésie, dans l’école ou hors l’école, aboutit au constat selon lequel il y a autant de définitions que de stratégies ; Serge Martin propose alors de changer de perspective et de s’interroger sur ce que fait l’élève quand il dit qu’il fait de la poésie à l’école.

Le modèle qui s’impose à l’élève comme l’équivalent de la poésie est l’exercice scolaire de la récitation. Serge Martin s’appuie alors sur Enfance de Nathalie Sarraute et prélève deux extraits relatant une expérience poétique liée à la récitation. Dans le premier extrait, l’enfant est invité, lors d’une réunion familiale, à réciter un poème : cette expérience est un échec, celui d’un « singe savant », au  corps contrefait, sans voix ; dans le second extrait, l’élève est invité, dans le cadre de la classe, à réciter un poème devant ses pairs : cette expérience est une réussite scolaire, celle d’un élève qui a incorporé les normes de la récitation dans le cadre scolaire, mais qui reste, là encore, sans voix.

A partir de là, Serge Martin s’interroge sur le fait d’apprendre « par cœur » les poèmes ; cette nécessité repose sur l’antagonisme entre l’intelligence et l’émotion, le concept et l’affect, lequel participe à la mémoire. Tout se passe comme si la mémorisation était affaire d’affection, non de compréhension. De plus, la récitation « par cœur » est l’objet de vives critiques, comme si la mémoire s’exerçait à l’encontre de l’intelligence, comme si le « par cœur » n’était pas une activité d’un sujet.

Par ailleurs, Serge Martin fait remarquer que le « pseudo-concept de ton » est une négation de l’activité d’une voix : or, s’il est une dimension éthique et politique au langage, c’est bien dans le fait de donner voix à l’élève, lequel écoute la voix du poème, à travers les multiples voix des élèves d’une même classe.

Serge Martin montre  ensuite que les pratiques actuelles de la poésie en classe, qui consistent à faire de la poésie, c’est-à-dire à fabriquer des poèmes, courent le risque du psychologisme ou du formalisme. De plus, l’académisme des productions est plus important encore que l’académisme de la récitation.

Serge Martin recommande alors, non pas d’écrire des poèmes, mais d’en lire, en cherchant leur oralité, en cherchant sa voix.

Jean-Luc Pouliquen, Un poète dans les écoles de la Goutte d’Or.

Jean-Luc Pouliquen parle en tant que poète intervenant dans les classes et défend la pratique des ateliers d’écriture qui y sont menés. Il fait remarquer que, depuis 1999, Le Printemps des Poètes, mené conjointement par le Ministère de la Culture et par le Ministère de l’Education Nationale, témoigne de la reconnaissance des actions menées par les poètes dans les écoles. Il souligne que les ateliers d’écriture, qui supplantent la récitation, opèrent un renversement de perspective par rapport à l’enseignement de la poésie : ceux-ci se fondent sur la conception de « l’enfant-poète » et visent à fixer  la poésie qui est en lui.

Jean-Luc Pouliquen donne un descriptif global des ateliers d’écriture tels qu’il les mène : choix de mots, lecture à voix haute, consigne syntaxique, sollicitation des cinq sens.

Christiane Chaulet-Achour, Poésie et classe de français dans l’enseignement primaire algérien. Chronique d’une disparition progressive.

Christiane Chaulet-Achour fait remarquer qu’en Algérie, l’enseignement de la poésie révèle les contradictions du système scolaire algérien, conséquences de la politique d’arabisation du pays. Le français, comme langue d’enseignement disparaît des matières scientifiques et  l’approche de la poésie se fait à partir de l’apprentissage obligatoire des sourates du Coran.

Christiane Chaulet-Achour donne la liste des textes poétiques qui sont présents dans les manuels de 4ème, 5ème et 6ème années et constate la disparité et le flou dans le choix des textes. A défaut de vouloir transmettre un bagage patrimonial, les concepteurs des manuels se servent de la poésie, au mieux pour l’apprentissage de la langue ; mais, le plus souvent, ils ne proposent aucune activité  et la poésie est reléguée en fin de manuel.

Jean-Yves Debreuille, La question du recueil en poésie contemporaine.

 Jean-Yves Debreuille amorce sa réflexion à partir du terme même de « recueil » qui, en supplantant celui de « livre », fait considérer l’ensemble des poèmes comme un état provisoire  et chacun des poèmes comme un texte autonome, sans attaches avec les autres poèmes recueillis.

Il fait ensuite remarquer que, dans l’institution scolaire, la pratique de la poésie à partir de recueils va dans le même sens que celle des morceaux choisis ; souvent, le titre du recueil est ignoré, seul le titre du poème est retenu. Dans les petites classes, des fichiers de poèmes sont même  proposés et c’est aux lecteurs de constituer les assemblages. Ces pratiques sont en contradiction avec le discours de l’institution scolaire qui préconise la lecture d’œuvres intégrales, indispensable à la formation du lecteur.

Jean-Yves Debreuille  émet l’hypothèse selon laquelle la lecture d’un poème hors du livre dans lequel il prend place n’a pas de sens. Il fonde sa démonstration sur l’analyse d’un recueil de Dominique Sampiero, Terre pour une légende qui n’en a plus, paru aux éditions Cheyne. Il montre, entre autres, que la position des poèmes dans le recueil n’est pas indifférente : il y a une homologie spatiale comme il y a une homologie typographique. Il montre que les poèmes du recueil entrent en résonance les uns avec les autres : le repérage d’isotopies, de structures thématiques deviennent des outils de lecture. Il dénonce la pratique scolaire de repérage des champs lexicaux : cette pratique est néfaste à l’analyse poétique dans la mesure où les champs lexicaux sont constitués soit en langue soit dans la subjectivité d’un lecteur et ne renvoient pas à la spécificité du recueil en particulier. Il préconise une lecture en boucle du recueil : la partie –le poème- éclaire le tout –le recueil- et chaque partie est éclairée par le tout.

Jean-Yves Debreuille pose alors la question de l’accessibilité de ce recueil à l’école : se fondant sur les recherches qu’il a menées en ce sens, il affirme que la notion de difficulté est peu pertinente dans le domaine de la poésie contemporaine ; un même poète peut être abordé de la maternelle à l’université si l’on prend soin de varier les activités proposées. 

Anne-Marie Lilti, Poésie de l’école et stéréotypes.

Se fondant sur les représentations réductrices  des étudiants sur la poésie, Anne-Marie Lilti cible son analyse sur les modèles poétiques,  figés en stéréotypes. Entre autres, réduire  la poésie  à la « belle langue » conduit les étudiants à focaliser leur lecture sur le sens ; réduire la poésie aux poèmes lyriques en vers les conduit à exclure du champ poétique les textes narratifs, en prose. La nécessité de briser les stéréotypes  s’impose alors comme une évidence.

Pour cela, Anne-Marie Lilti recommande de faire lire un grand nombre de textes poétiques offrant la plus grande diversité possible, puis de proposer aux lycéens une démarche réflexive à partir de textes qui rendent caducs les stéréotypes ; cette démarche vise à installer le doute là où il y a des certitudes afin de maintenir en suspens le questionnement sur la poésie. S’appuyant sur Quant à je de Kati Molnar, œuvre qui problématise  toutes les définitions de la poésie, elle montre comment il est possible de poser la question des frontières génériques de la poésie, en particulier celle de la frontière entre la langue poétique et la langue usuelle, celle de la poésie et de la prose narrative. Faisant référence à Jean-Louis Chiss, elle affirme que la relation entre la langue et la littérature, considérée comme une coupure, est difficile à enseigner. Partant de là, elle considère qu’un texte comme Quant à je de Kati Molnar, qui joue sur la différence entre langue parlée et langue normée, peut être un appui pour montrer que la poésie a quelque chose à dire sur la langue et le discours. L’objectif visé est de transformer les représentations des élèves sur la poésie, au gré des poèmes qu’ils lisent.

Marie-Thérèse Denizeau, Jean-Charles Nony, Représentations de la poésie en 6ème et en 1ère.

Marie-Thérèse Denizeau et Jean-Charles Nony  conduisent des entretiens côté professeurs et côté élèves à deux niveaux de l’enseignement scolaire.

En classe de 6ème, le professeur interrogé lit peu de poésie et n’a pas de références poétiques précises. Selon ce professeur, la poésie est définie comme étant une expression de soi et faire de la poésie, c’est en écrire et non en réciter. L’enseignant ne se pose pas la question de savoir comment s’enseigne l’effet présupposé du poème, l’émotion qu’il suscite. Pour les élèves, la poésie est essentiellement définie par ce qu’ils font en classe : par exemple, apprendre un texte, chercher les champs lexicaux... Le poème est perçu par sa forme et son style ; la fonction expressive, importante pour l’enseignant, n’est pas perçue par les élèves alors qu’ils sont confrontés à l’écriture poétique sous contraintes.

En classe de 1ère, le professeur, soucieux des exigences du baccalauréat, entraîne ses élèves à dire de la poésie, mais c’est uniquement pour le confort des examinateurs, lassés des textes lus d’une voix « terne ». L’explication de textes, qui prend pourtant une place importante dans l’enseignement en 1ère, est totalement occultée et l’étude d’œuvres poétiques complètes n’a pas de réalité pour ce professeur. Les élèves, qui lisent peu de poésie, en écrivent et considèrent qu’elle remplit une fonction cathartique ; s’ils ont quelque souvenir de la récitation pratiquée au primaire, le passage au collège est un passage à vide pour la poésie.

Quant à l’explication de textes, s’ils reconnaissent qu’elle aide à comprendre, ils la perçoivent dans une opposition entre comprendre et éprouver.

En conclusion, Marie-Thérèse Denizeau et Jean-Charles Nony établissent des corrélations entre les représentations d’un professeur et celles de ses élèves, parmi lesquelles la scolarisation de la poésie ; toutefois, l’opposition entre l’apprentissage et l’approche personnelle est perçue différemment par le professeur et ses élèves.

Daniel Lançon, Vers une (nouvelle) didactique de la poésie.

Après une éclipse partielle dans le champ de la recherche, la poésie ouvre de nouvelles perspectives de réflexion, amorcées dès 1995 par la parution des Programmes de l’Education Nationale et celle d’ouvrages théoriques fondamentaux.

Le premier axe de recherche concerne la terminologie relative au domaine poétique. La dissolution du concept de poésie dans celui de type de texte n’est plus admise ; la distinction entre les termes de poème, poésie et « poésies » est repensée afin d’accéder à une définition du poétique et de la poésie qui sorte du discours convenu. Daniel Lançon fait remarquer que plusieurs chercheurs s’accordent à considérer le poème comme la réalité première rencontrée par les élèves et, par conséquent, à préconiser de partir du poème, comme objet, pour construire une définition du poétique et de la poésie.

Le deuxième axe de recherche  concerne le corpus, souvent considéré comme « trésor poétique patrimonial » ; il est nécessaire de le diversifier en l’ouvrant, notamment, aux productions contemporaines ou étrangères. Par ailleurs, Daniel Lançon déplore le fait que de nombreux auteurs qui écrivent de la poésie pour la jeunesse le font selon un horizon d’attente stéréotypé ; ce qui  conduit les concepteurs de manuels scolaires et les enseignants à cautionner des « poésidioties » ou des « poésignardises ». 

Le troisième axe de recherche concerne le plaisir de lire. De nombreux chercheurs s’accordent à reconnaître la nécessaire lecture émotionnelle pour aborder la poésie ; ainsi, Jean-Yves Debreuille considère l’oralisation comme un moyen de donner corps et voix au poème, « manifestation de l’investissement subjectif ». Refusant l’opposition hiérarchique entre la compréhension et l’interprétation, supposée être  hors de portée des enfants, Catherine Tauveron  affirme « qu’on ne peut comprendre sans avoir interprété et donc qu’on ne peut vouloir apprendre à comprendre sans prendre la peine d’apprendre à interpréter ». Dans cette perspective, la présence d’un poète dans la classe peut conduire les élèves au plaisir d’entendre de la poésie ; néanmoins cette rencontre est problématique dans la mesure où le poète et la poésie ne renvoient pas aux même enjeux ni aux même actes.

Le quatrième axe de recherche  porte sur la distinction entre diction et mémorisation. Se référant à Georges Jean qui a longtemps milité pour la « profération poétique », à Meschonnic qui conçoit la diction comme un dialogue entre le rythme, la métrique et la syntaxe et à Yves Bonnefoy pour lequel « la mémorisation est un acte d’oralité », Daniel Lançon relève les différentes réflexions sur le renouvellement de la récitation.

Le cinquième axe de recherche renvoie aux créations poétiques réalisées en classe. Meschonnic est radicalement opposé aux pratiques scripturales dans la mesure où elles génèrent  conformisme et insignifiance ; pour lui, mieux vaut réapprendre « ce que lire veut dire ». De même, Gromer et Weiss pensent que les « fabriques poétiques » ne suscitent pas d’émotion. Daniel Lançon s’interroge sur la possibilité de faire naître une créativité à partir des déclencheurs d’écriture choisis par les enseignants. 

En conclusion, Daniel Lançon énumère les différentes perspectives de recherche à mener sur la poésie, de la maternelle à l’université.

Marie-Françoise Chanfrault-Duchet, La poésie après l’école

Dans cet article, Marie-Françoise Chanfrault-Duchet montre qu’il existe des pratiques vivantes de poésie hors l’école, mais que celles-ci portent l’empreinte de l’initiation à la poésie qui s’est effectuée à l’école primaire. Sa réflexion se fonde sur l’analyse d’une revue de jardinage, Rustica, qui contient une rubrique « Coin des poètes », et ce, depuis plus de trente ans.

Les poèmes édités dans la revue présentent de nombreux stéréotypes ; l’utilisation de formules figées, d’images à la littérarité codée montrent que la langue n’est pas perçue, dans son potentiel créatif, comme un matériau poétique. Cette rubrique ne fait pas émerger d’univers poétique singulier. Par contre, une autre rubrique, celle des « Petites annonces », manifeste des pratiques poétiques plus proches des canons de la modernité. Marie-Françoise Chanfrault-Duchet analyse cette pratique de la poésie comme un signe de reconnaissance : le lecteur de la revue Rustica s’identifie au rédacteur du poème et s’en fait le co-énonciateur. De ce fait, la revue est le lieu d’une célébration de l’appartenance à une culture commune transmise par l’école primaire des années 50.

En ces années, la littérature était articulée aux leçons de choses ; la revue Rustica actualise ce modèle scolaire, en demandant d’articuler littérature et jardinage, en formulant ses consignes d’écriture.

Marie-Françoise Chanfrault-Duchet s’interroge ensuite sur la fonction de cette rubrique. Selon elle, la revue cautionne des pratiques poétiques d’amateurs de poésie en leur conférant un statut littéraire ; ce que ne font pas les lettrés qui, en général, méprisent ces pratiques vivantes de la poésie. Pourtant, celles-ci portent sur l’identitaire : elles renvoient, chez les poètes amateurs, à une quête autobiographique dans laquelle la nostalgie de l’enfance tient une grande place.

Pour Marie-Françoise Chanfrault-Duchet, le « coin des poètes » permet au lecteur d’être confronté à « l’homme ordinaire », c’est-à-dire à ce qui, en chacun, est de l’ordre du partage, du commun. En ces sens, l’initiation première, qui s’effectue à l’école primaire, ne saurait être effacée.

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