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Poésie pour tous, INRP 1982

Pratiques poétiques à l'école élémentaire/plan de rénovation de l'enseignement du français, IO 1972 . Ouvrage de référence.

Georges Jean – Paulette Lassalas – Aline Pascot – Françoise Sublet, Plan de rénovation de l’enseignement du français à l’école élémentaire Tome 10 Poésie pour tous, ouvrage collectif dirigé par Hélène Romian, Fernand Nathan, 1982.

 

Cet ouvrage appartient à une série de douze fascicules élaborés dans le cadre du plan de rénovation de l’enseignement du français à l’école élémentaire, dit Plan Rouchette. Le fascicule n°10, consacré à la poésie, renvoie à l’un des aspects de ce plan. Il rend compte des travaux effectués, dans les années 1970, par l’équipe de recherche de l’INRP (Institut National de Recherche Pédagogique), relayée au plan local, régional et national par des instituteurs, des conseillers pédagogiques, des inspecteurs, des psychologues et des linguistes (soit environ six cents personnes). En tant qu’ouvrage collectif, il renvoie à un choix commun  sur les perspectives générales et à des pratiques variées expérimentées dans les classes. Le but de cet ouvrage est de servir d’outil de formation ; c’est pourquoi, dans la présentation, il articule réflexions théoriques et pratiques, indissociables et inspirées par le Plan de rénovation, lequel permet de construire des repères. 

 

Première partie

La première partie intitulée « La poésie, besoin vital » est rédigée par Georges Jean, poète et pédagogue ; il y explique sa conception de la poésie. 

Selon lui, jusqu’au Plan de rénovation, la conception de la poésie la plus largement répandue à l’école est celle qui consiste à l’envisager sous l’angle de l’esthétique et de la morale : la poésie renvoie au beau langage et aux bons sentiments. Les propositions du plan Rouchette  entraînent des modifications dans les Instructions Officielles de 1972 ; néanmoins, il reste nécessaire de questionner la poésie en elle-même pour comprendre la manière dont elle s’inscrit dans le devenir individuel et social des hommes.

Georges Jean considère que la poésie n’est pas un genre parmi d’autres, mais la seule forme discursive d’organisation durable ; elle conserve dans la mémoire grâce à des repères mnémotechniques (homophonies, accents, métrique…). La poésie est donc un enracinement dans l’expérience humaine, elle est « pèlerinage » vers la source de chaque culture.

Il fait remarquer que la parole poétique utilise le même chenal que la respiration : les cordes ne vibrent que sur des pauses respiratoires ;  cela implique d’être à l’écoute du corps pour entendre que « le corps bruit » en même temps qu’il parle. Les pauses respiratoires sont organisées, le rythme implique le contrôle du souffle ; en conséquence, une formation à la perception et à l’expression des rythmes est nécessaire. La poésie permet à l’enfant d’être à l’écoute de ses sensations et de ses sentiments : de façon implicite, elle lui permet de tout entendre, de tout découvrir.

Comme organisation particulière du signifiant et comme alchimie verbale, la poésie a une fonction symbolique : elle signifie, mais dans le prolongement des mots ; elle donne à voir au-delà de la dénotation, elle ouvre l’imaginaire. L’acte poétique est incantatoire, il fait apparaître l’objet absent et fait imaginer le réel, pour mieux le connaître. C’est donc un moyen de connaissance, qui s’appuie sur l’imagination, « raison ardente ».

Définie par Eluard comme « une rose publique », la poésie est le langage de tous les hommes ; elle réveille l’imagination du lecteur et l’engage à agir. Le poète est alors celui qui inspire, plus que celui qui est inspiré. Georges Jean affirme que la poésie correspond au besoin de tout être de s’inventer différent des autres, mais avec les autres.

 

Deuxième partie

La seconde partie intitulée « La poésie dans la vie de la classe » est rédigée par Paulette Lassalas, Directrice de l’Ecole Normale de Poitiers ; elle y présente  différentes expériences menées en poésie dans des classes de différents niveaux de scolarité.

Partant de l’hypothèse selon laquelle la poésie n’existe pas en soi, mais dans le regard du sujet,  elle propose de mener des activités permettant de travailler le langage afin de le transformer. Par exemple, Au pied de la lettre de Jérôme Peignot permet aux élèves d’explorer le langage en prenant les expressions au pied de la lettre ; Euclidiennes de Guillevic leur permet de considérer les axiomes et les définitions sous un autre angle. Diverses activités permettent aux élèves de redonner du jeu dans la langue, pour le débloquer de l’impératif communicationnel.

 

Troisième partie

La troisième partie intitulée « Lire des textes poétiques » est rédigée par Françoise Sublet ; elle y explique que la lecture de textes poétiques est un échange entre deux univers, celui du texte et celui du lecteur : outre le contenu apparent, d’autres sens sont à construire par le lecteur. L’espace du poème est traversé par de nombreux échanges entre ses éléments et le lecteur construit une entrée et une circulation propres. Celui-ci trouve, dans le poème, des réponses à son imaginaire ; c’est-à-dire que la lecture est à la fois plaisir et analyse. D’une lecture à l’autre, les parcours qu’il effectue sont différents ; le lecteur reçoit intuitivement la poésie et poursuit la rencontre par une analyse, en constant renouvellement. Dans la classe, il est possible de tenir compte de cette activité de lecture, qui est reconnaissance et création du poétique ; la constitution d’une bibliothèque ou d’un coin-poésie, conçu comme un atelier ouvert à différentes activités de création poétique, est une manière de reconnaître l’enfant comme lecteur de poésie.

 

Quatrième partie

La quatrième partie intitulée « Dire des textes poétiques » est rédigée par Aline Pascot et Françoise Sublet ; elles proposent une réflexion  sur la re-création  du texte poétique par la diction. Bien avant l’apprentissage de la lecture, il est possible de faire dire des textes à des élèves ; ainsi, un travail mené en Petite Section sur un poème de Tardieu, La môme néant, a permis de faire prendre conscience du mode de communication poétique : à la voix qui dit répond un silence qui écoute. Progressivement,  l’élève va comprendre que pour dire un texte poétique, il doit s’exposer – mettre sa voix, son corps-  devant les autres ; il  doit apprendre à  maîtriser les éléments prosodiques et les propriétés des sons car la texture sonore est porteuse de sens. Savoir utiliser toutes les ressources de sa propre voix, du jeu entre plusieurs voix (chœur, voix off, enregistrement …) permet de recréer, à chaque fois, le poème et de faire prendre conscience de l’existence de ces différents modes de lecture. Il est possible de proposer des activités spécifiques permettant de connaître sa voix dans toute l’étendue de sa complexité : les exercices d’articulation, de maîtrise du souffle ( durée, intensité, débit, intonation…) et  les recherches vocales enrichissent les possibilités de re-création poétique.

 

Cinquième partie

La cinquième partie intitulée « Ecrire des textes poétiques » est rédigée par Françoise Sublet ; adoptant le point de vue de Francis Ponge selon lequel « La poésie est à la portée de tout le monde », elle propose de faire écrire des textes poétiques par des élèves, en les sensibilisant aux mots et aux choses par un regard neuf porté sur le monde. Elle constate que la sensation éveille des mots, lesquels font goûter la saveur des choses. Partant du principe qu’il n’y a pas d’objet poétique en soi, mais un regard autre sur les choses, elle propose des activités visant à provoquer l’étonnement devant les choses et les mots. Ainsi, une visite à la boulangerie effectuée par des élèves de CM2  éveille-t-elle, à la vue du pain, quantité de mots – collines, montagnes, volcans, éponge…- qui renvoient à une autre manière de percevoir le monde.

Une autre entrée dans l’écriture  est possible à partir de textes poétiques qui sont autant de matrices ; l’exploration du fonctionnement poétique du langage et les jeux systématiques, à partir des formes  simples ancrées dans la mémoire (formulettes, comptines, chansons, slogans, berceuses…) permet de renouveler les pratiques d’écriture poétique des élèves. Ainsi, et à la manière de Tardieu dans Formeries, est-il possible de classer les jeux poétiques : jeux permettant de voir autrement n’importe quel objet, jeux permettant de découvrir le mot comme un matériau à travailler ( corbillon, enchaînement de syllabes, bouts-rimés…).

Françoise Sublet propose de mettre la poésie en relation avec d’autres modes de communication car chaque matériau produit son propre mode d’expression ; les sources gestuelles, plastiques et musicales de la poésie sont alors revitalisées. Ainsi,  la poésie partage-t-elle avec la musique son attention aux sonorités, aux accents, au rythme, avec l’expression plastique, son attention au dessin des lettres, à la disposition sur la page, avec l’expression corporelle, son attention au corps.

 

Sixième partie

La sixième partie intitulée «  Un autre regard sur les textes d’enfants » est rédigée par Françoise Sublet ; elle propose une analyse du fait poétique dans les textes d’élèves. Il s’agit de les sensibiliser au fait que l’expression est porteuse de sens ; tous les éléments d’un texte sont en résonance et il y a effet poétique s’il y a création de relations spécifiques entre le texte et le lecteur. Françoise Sublet fait remarquer que les élèves, mis en situation d ‘écrire des textes poétiques, utilisent les modèles culturels véhiculés par l’école : stéréotype du cadre narratif dans lequel s’insère une description, stéréotype des verbes utilisés pour décrire, stéréotype d’une certaine conception de la beauté d’un texte liée à la beauté de la chose. Néanmoins, si ces modèles culturels peuvent apparaître comme des obstacles, ils sont également des supports du fait poétique : on peut classer les repères que se donnent les élèves pour créer un effet poétique : répétition, juxtaposition, comparaison dessin du vers… Françoise Sublet fait remarquer que ses travaux de recherche l’ont amenée à modifier son regard sur les textes des élèves, qui sont à lire avec la même disponibilité que les autres textes, c’est-à-dire en considérant  la résistance qu’ offre un texte poétique. Par ailleurs, il serait souhaitable de prendre en compte tous les écrans imposés à l’élève par les modèles scolaires, qui négligent les sensations plus proches de leur rapport au réel.

 

Septième partie

La septième partie intitulée «  Pistes de recherche » est rédigée par Françoise Sublet ; elle propose quelques pistes de recherche, selon trois orientations : une recherche-innovation, une recherche-description et une recherche-validation.

En ce qui concerne la recherche-innovation, elle propose de poursuivre des projets permettant la mise en œuvre cohérente d’activités de libération ou de structuration.

En ce qui concerne la recherche-description, elle propose d’effectuer une évaluation théorique des pratiques à partir de situations vécues dans la classe ; elle cible particulièrement la recherche sur l’analyse du fait poétique dans les textes des élèves.

En ce qui concerne la recherche-validation, elle propose de vérifier l’hypothèse selon laquelle le rapport que l’élève entretient avec les modèles scolaires se modifie en fonction de la pédagogie de l’enseignant. Ainsi le Plan de Rénovation  permet-il à l’élève d’entretenir une relation plus proche du réel car plus proche de ses sensations.

Compte rendu établi par Martine Marzloff, chargée de recherche, INRP.

 

      

 

 

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