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Vous êtes ici : Accueil » Recherches Travaux antérieurs (2004-2011) Poésie travaux des enseignants associés formation poésie PLC/réticences des jeunes enseignants

formation poésie PLC/réticences des jeunes enseignants

la mutualisation des questionnements, expérimentations, analyses de pratiques autour d'un texte déroutant comme dispositif de formation initiale (ou continue). compte rendu de Christine Prévost, IUFM Lille

Dans le cadre de la formation des PLC organisée par Christine Prévost à l'IUFM de Lille, la mise en place d'un cercle de lecture permet de faire émerger d'une part  la relation personnelle des futurs enseignants à un texte déroutant (ici "La Môme néant" de Tardieu) et d'autre part leurs réticences à l'idée de se lancer dans la lecture d'un tel texte avec leurs élèves.
En réalité, le seul des stagiaires à oser la prise de risque dans sa classe constatera que les élèves entament, avec beaucoup d'implication et de pertinence, un ensemble foisonnant de questionnements, quasi-identiques à ceux des futurs professeurs lors de l'atelier de formation.
La restitution de cette prise de risque opérée par un pair convainc l'ensemble du groupe ; des remarques  fortes émergent quant  à la situation d'enseignement en littérature.
Ce dispositif de formation, qui repose sur le principe de la mutualisation des questions/expérimentations/analyses  de pratiques autour d'un texte provoquant une situation problème, se révèle d'une grande efficacité dans le cadre de la formation des enseignants de littérature.



Les transcriptions sont opérées par Christine Prévost


Document 1 : cercle de lecture réalisé en PLC2, transcription enregistrement

 

- M : il y a deux sens, deux interprétations : une patoisante, et une autre perception à propos du sujet A : ou c’est du patois, ou c’est quelqu’un, l’équivalent de x, l’inconnu mathématique. C’est un jeu signifiant/signifié.

- G : Mais tu as le titre et le rapport du texte avec le titre : A, c’est « elle », la « môme », et « elle », c’est A en patois.

- M : Mais pourquoi « la môme » ?.... « Néant », d’accord, y’a une démonstration du néant là-dedans….

- P-E : oui, avec la répétition de « rin ». On a « la môme » au début, et puis « rin » à la fin de chaque vers…de la môme au néant.

- V : je comprends pas là, je vous suis pas…c’est quoi « rin » ?

- M : « dit rin/fait rin », c’est « rien »

- V : ah ! il manque le « e » !

- G : comment les élèves vont considérer ça ? On leur reproche de parler avec des expressions de ch’nord !

- M : ça peut être l’occasion de montrer la poésie du patois, un premier niveau de lecture en somme.

- G : qu’est-ce qu’ils vont voir ? Les anaphores ?....  ils vont voir les rimes, enfin la rime unique….

- P-E : les deux personnages….enfin, y a-t-il deux personnages d’ailleurs ?

- G : tu sais à quoi ça me fait penser ? Un dialogue en classe : « j’ai rien fait M’sieur, c’est pas moi….ai rien fait, ai rien dit…. »  Tu crois qu’ils pourraient se reconnaître, les élèves ?...bon, bref, le vocabulaire est pas riche : « quoi », « pourquoi »…t’as quatre verbes en tout : dire, faire, penser…il y a une richesse, mais faut la trouver…

- M : est-ce que le « quoi » et le « pourquoi » ne se rattachent pas au néant aussi ?

- P-E : oui, ce sont des questions existentielles…

- G : … les 3 questions de Spinoza, toute question revient à l’origine, le sens de la vie, la mort.

- M : et ça n’empêche pas une lecture premier degré d’une situation de classe avec une première voix qui serait celle d’un professeur et la deuxième d’un élève.

- G :… une situation de classe et  une situation existentielle…

- P-E : …une situation de classe est une situation existentielle ?

- G : …non, « et/ou », pas « est , E-S-T »…..quoique…. (rires)….

- M : Mais il n’y a pas de « je » dans ce dialogue…l’enfant, ne se conçoit pas comme une personne…

- P-E : C’est vrai, il n’y a que des négations, comme si A n’a pas d’identité…

- M : …on en revient à l’inconnu mathématique.

- G : ….deux voix, c’est la marque d’un dialogue. 

- M : …et les questions ? comment vous les comprenez, vous ? « quoi », c’est l’acte en tant que tel ? ou l’existence ? on passe de « quoi » à « pourquoi », de l’objet de la pensée au « pourquoi » de l’acte de penser…je sais pas si vous me suivez…je suis pas claire là…

- P-E : euh pas trop non, tu peux nous le redire ?...

- M : est-ce la réponse qui est questionnée, ou l’existence de la personne, puisque « dire, c’est faire » selon la fonction performative du langage : « pourquoi » est-ce que tu vis, ou « pour quoi »  est-ce que tu vis ? le but ou la cause….

- P-E : ah oui, surtout que A peut représenter « la môme », « l’enfant », mais aussi la première lettre de l’alphabet, le début de tout…

- G : Dites, y’a une dimension ludique à ne pas perdre de vue quand même…attention…on est en train de se fatiguer les méninges là, à chercher…Moi ça me fait penser au style de Raymond Devos, aux jeux phoniques qui tournent à l’absurde, qui faussent le sens. Y a-t-il un référent derrière le A ? A, c’est l’arbitraire du langage…(long silence)…bon, moi j’ai tout donné…y’a encore des choses à dire ?

- P-E : je suis d’accord pour le ludique, les sonorités et l’arbitraire du langage, mais c’est aussi un poème théâtral, moi je vois trois personnes : une qui questionne, une qui répond, une qui conclut…

- M : on dirait aussi quelque chose de mathématique…deux tercets, et puis la réponse, comme un raisonnement scientifique…le néant = infini…

- G : vous le comprenez comment le titre ? Pourquoi y’a pas d’accord, « la môme néante » ?

- P-E : un néant féminisé ?

- G : il n’y a pas de genre dans le poème, est-ce que A est homme ou femme ? et « néant » substantif ou adjectif ?

- M : la voyelle A est associée au féminin…les prénoms qui se terminent par « a » par exemple…

- G : ça me fait penser aux synesthésies…une couleur = une voyelle…il y aurait un jeu avec cette tradition poétique….mais ça va être un problème pour les élèves, pour eux, ce sera « A=elle »  vous croyez ?

- M : ça dépend, une classe du Nord aura une réaction différente d’une classe de Marseille, ou  dans le XVIème à Paris…. ça passera pour du folklore, un dialecte…

- G : il y aurait intérêt à contextualiser le texte alors…

(long silence)

- G : dire-faire-penser-exister : c’est le langage qui structure la pensée, et l’existence…on peut le rattacher à l’Oulipo, à la crise du sens…

 

Long silence, je décide d’intervenir : seriez-vous prêts à proposer ce texte en classe ?

- P-E : oui, ne serait-ce que par curiosité, pour voir leurs réactions…

- G : moi non, c’est clair, ils n’ont pas assez d’arrière-plan culturel pour comprendre comment un texte comme ça peut être littéraire…pour déconstruire quelque chose, il faut d’abord avoir construit…

- M : ou alors partir de ça pour les déstabiliser…

- G : attends, on est parti dans le philosophique, tu crois qu’ils verront tout ce qu’on a vu ?

- M : …au niveau émotionnel alors ?

- G : ça va les faire sourire …notre rôle, c’est de leur faire découvrir des textes plus traditionnels…je préfèrerai Queneau, un sens qui puisse rester[1]…ils ont une vision traditionnelle de la poésie, une fois qu’ils auront vu l’aspect ludique, ils n’auront plus rien à dire…

- P-E : …mais c’est un aspect important le ludique, tu l’as dit toi-même….

- G : oui mais…franchement, je le sens pas…pas avec les miens en tout cas, je me lancerai pas…implicitement, ils hiérarchisent, Hugo c’est avant Tardieu…ils vont dire que ça, ça a été fait sur un coin de table à la va-vite…et puis après ?

- M : Oui, mais c’est peut-être à nous de relever le défi justement…moi je pourrais  le faire…comment ? J’ai besoin de recul, mais oui, pourquoi pas…à nous de montrer que c’est pas écrit à la va-vite…

- G : oh là là…ils vont se mettre à écrire dans leur agenda, ça va les conforter dans l’idée que ce qu’ils écrivent, c’est de la poésie !....

-M : attends, le premier problème, c’est déjà de savoir s’ils verront que c’est de la poésie ?

- P-E : dans ce cas, on attire leur attention sur la disposition…on peut lire aussi le texte à voix haute…

- M : Le lire ? mais tu vas influencer leur interprétation…

- G dans un soupir :….bon courage…de toute façon, je vous signale que la poésie, c’est pas au programme de seconde, c’est au programme de première…

- M : oh, zut le programme…c’est pas interdit non plus….

- Moi : bon, il se trouve que ça m’intéresse d’assister à une séance de lecture de ce texte avec des élèves, qui serait prêt à tenter l’expérience, et à accepter ma présence de la classe ? Grégory, je crois que j’ai deviné la réponse…

- G : j’ai rien contre le texte, j’aime bien, mais pas avec mes élèves…

- Moi : Vanessa, vous ne vous êtes exprimée…

- V : j’ai besoin de réfléchir, faut vous répondre aujourd’hui

- Moi : non, vous avez le temps…Mathilde ?

- M : oui, ça m’intéresse, mais je sais pas quand, j’ai programmé plein de choses…je vais voir…

- Moi : Pierre-Eric ?

- P-E : oui, je vais le faire, venez, plus on est de fous, plus on rit !....

 

 

Document 2 : dépouillement des questionnaires, classe de Pierre-Eric  (2de STT), questionnaire distribué une semaine avant la lecture de La Môme Néant

 

 

Citez 5 poèmes avec le nom de l’auteur (si possible

Citez le poème que vous préférez depuis la maternelle

Comment travaillait-on la poésie dans les classes précédentes

Racontez votre meilleur souvenir autour de la poésie

Vous arrive-t-il de lire des poèmes pour le plaisir ? Où les trouvez-vous ?

Qu’est-ce que la poésie ? vous pouvez donner plusieurs réponses

Qu’est-ce qu’un poète (vous pouvez donner plusieurs réponses

Clément

Le Corbeau et le Renard, Le Loup et l’agneau, Victor Hugo ?

 

On nous donnait un poème à apprendre par coeur

Quand on a fin d’écrire un poème, on le relis et on est fier de ce que l’on a fait

Oui, sur internet

La poésie c’est l’endroit ou on peut exprimer ses sentiments les plus profonds sans vraiment de pudeur. Car l’essentiel d’un poème, c’est qu’il soit beau

Un poète, un vrai, est quelqu’un qui sait exprimer ce qu’il ressent avec les plus belles métaphores, avec un beau coup de plume.

Figure de style

Aurélie

La cigale et la fourmi, le corbeau et le renard, Fables de La Fontaine l’automne

 

 

 

non

Elle peut être lyrique, érotique, présence de rimes, de vers

Artiste qui aime écrire, l’art de l’écriture, des rimes

Maxime

Apollinaire « Automne »

 

On devait la récitée au tableau

Quand j’ai eu un 10/10 en récitation

Pas du tout

Ennuyant. Quelque chose d’incompréhensible mais c’est une façon pour certain de s’exprimer

Celui qui écrit les poèmes

Justine

Le corbeau et le renard, la cigale et la fourmi de Jean de La Fontaine

Le corbeau et le renard

Par des récitations

 

Oui, dans les livres

Pour moi, c’est une façon d’exprimer ses sentiments, ses pensées

C’est quelqu’un qui écrit des poèmes

Elodie

Le corbeau et le renard

 

En récitant les poèmes après les avoir étudiés

 

non

C’est un texte avec rimes devant faire ressentir une certaine émotion au lecteur

C’est un auteur qui arrive à faire passer un sentiment, une émotion à travers des textes organisés avec des rimes, des strophes et des vers

Adrien

Automne

 

On essayé de la comprendre en classe, on l’illustré à la maison et ensuite on l’apprené

 

Non, pas du tout mais je peux en trouver car mes sœurs en font et en lisent

C’est une description de ses sentiments, c’est un don

C’est une personne qui écrit des poèmes

Selim

 

 

On les étudie puis quelquefois on l’apprend

 

non

Moyen de découverte

Il transmet des sentiments, des idées, il aborde un sujet, un thème

Nadège

Robert Desnos, Arthur Rimbaud, Le Cancre

 

On lisait la poésie, l’analyser, et l’apprenait pour ensuite la réciter devant la classe

Lorsqu’à l’école maternelle et primaire j’apprenais des poésies pour la fêtes des mères, et quand ce jour arrivait que j’étais contente de lui réciter sans faire de fautes et qu’elle aussi était contente

Oui, sur internet

Une façon de s’exprimer, de faire comprendre ce que l’on ressent, exprimer ses sentiments mais aussi parler sur thème particulier

Celui qui écrit des poésies !

Charlène

Le corbeau et le renard, le lion et le rat, le renard et la cigogne, la colombe et la fourmie de Jean de La Fontaine, Les saisons je crois : ça parle d’un escargot qui allé à un enterrement mais il était trop lent, les saisons étaient déjà passées, de Charles Prévot je crois

Le corbeau et le renard

Par des pièces de théâtre ou des récitations

La pièce de théâtre de « le corbeau et le renard » en primaire

Non, mais j’aime bien faire mes propres poèmes

Pour moi c’est une façon de libérer ses pensées, ses sentiments sur le papier, dans de belles phrases

Quelqu’un qui écrit des poèmes, qui écrit lui-même ses propres poèmes

Victor

 

 

On l’étudier, on l’analyser et on l’apprennait (quelque fois)

aucun

Non !

Une suite de vers construit avec des rimes

Un écrivain qui écrit des poésies !

Angélique

Le lièvre et la tortue, le corbeau et le renard, la cigale et la fourmie

Je sais plus

On la récité

 

Oui, souvent. Je les trouve sur internet ou je les invente moi-même, ou je lis ceux que Justine me fait

La poésie peut exprimer nos sentiments

raconté un moment de notre vie en rime, nos peines, nos joies

C’est celui qui écrit les poèmes

Estelle

Le lièvre et la tortue, le corbeau et le renard, la cigale et la fourmie de La Fontaine

La cigale et la fourmie

Par vers, rimes et dessins

Quand on a du apprendre la cigale et la fourmie pour la fête de l’école

De temps en temps. Je les trouves à la bibliothèque

C’est une histoire avec des rimes, des strophes, des vers, des images et pour certaines fables (La Fontaine) une morale. On peut la lire à la fin

Il écrit la poésie, il trouve les rimes…

Ludivine

Le corbeau et le renard, le lièvre et la tortue, la cigale et la fourmie

Le corbeau et le renard

Avec des dessins

On a joué le Corbeau et le Renard et on l’a présenté aux parents

Oui, un peu, à la bibliothèque

Des rimes, des strophes, une morale défoie à la fin

Une personne qui à la sens des rimes

Delphine

 

 

En étudiant la prononciation des vers, en les apprenant, puis en les récitants

 

Oui. Parfois dans des recueils de poème, le plus souvent sur internet

Une façon de s’exprimer, d’exprimer ce qu’on ressent d’une façon qui n’est pas toujours explicite

Une personne qui écrit ce qu’elle pense, ce qu’elle voudrait dire, mais qu’elle ose juste écrire

Floriane

Victor Hugo

 

On analysait la poésie

Quand j’en écris

Oui, dans un bouquin, sur les cahiers de mon frère, …

Un moyen d’exprimer ce qu’on ressens

Quelque chose qu’on écrit pour le plaisir

La personne qui écrit le poème

Justine

 

J’en ai pas, mes préférés sont les miens

On analysait la poésie, on la travailler, l’apprener puis la récitée

C’est lorsque j’écris les miens

Oui, dans des livres ou sur internet, des poèmes d’ami(e)s….

C’est une façon d’exprimer ce que l’on pense

C’est la personne qui écrit son poème

Chafid

Le loup et l’agneau de Jean de la Fontaine ainsi que le corbeau et le renard

Le loup et l’agneau

En classes précédentes, on devait apprendre toute la poésie entièrement pour pouvoir ensuite la réciter devant les camarades puis noter

 

Oui, ceux écrits par des amies

La poésie représente la douceur, le calme

Un poète est une personne qui écrit des poésies pour le plaisir et peut-être pour se faire comprendre par celles-ci

Lucie

Le lièvre et la tortue, la grenouille et le bœuf, le corbeau et le renard (La Fontaine)

Le lièvre et la tortue

En classe primaire on devait apprendre les poésies par cœur puis les réciter ensuite

 

non

La poésie est un petit texte formé de vers et de strophes avec des rimes bien souvent et pour les fables par exemple il y a toujours une moralité

C’est un homme qui s’exprime tout en écrivant, qui ve  faire comprendre des choses aux gens d’une façon dérivé

Cécile

Le corbeau et le renard, le lièvre et la tortue, la cigale et la fourmie, Jean de la Fontaine

Le corbeau et le renard

Dans les classes presedentes on écrit la poesie d’un côté du cahier on fait un dessin de l’autre sur le thème de la poesie énoncé. Ensuite on les reciter en classe

Je ne sais plus

Oui. Sur les blogs des autres personnes ou sur internet

 

 

Anne-Charlotte

Colette, La Fontaine, Jacque Prévert

Le corbeau et le renard

En étudiant les vers, comment ils étaient formés, les rimes

 

non

C’est un texte avec des rimes, qui raconte parfois quelque chose de vrai, ou par exemple dans les fables de la Fontaine, donne une morale

Un poète c’est une personne qui a un talent à écrire des poésie. Il écrit se à quoi il pense. Pour lui, c’est un plaisir.

Mélodie

Le lièvre et la tortue, le corbeau et le renard, La Fontaine

Le lièvre et la tortue

On les étudiait et on devait les récitait en classe

 

Oui, je les trouve sur internet ou dans les livres de Français

La poésie : c’est des rimes, des phrases qui font passer un message (colère, sentiment)

C’est celui qui écrit la poésie

Guillaume

Le corbeau et le renard, le lièvre et la tortue de La Fontaine

 

 

 

jamais

Vers en rimes

Celui qui écrit des poésies

Document 3 : transcription de l’enregistrement réalisé avec les élèves de P-E

 

Lycée Guy Mollet, Arras

Classe de 2de « Prague »

Pierre-Eric Jel

Môme néant, séance 1

22 mai 2006

 

Distribution du texte, sans nom d’auteur ni date. Consigne : lecture individuelle silencieuse.

 

Entendu pendant la lecture : « wouah ! », « c’est quoi, ça », ricanements étouffés, chuchotements…bref, des réactions instantanées.

 

- Le professeur : qu’en pensez-vous ?

- Justine : c’est pas français….c’est de l’ancien français ?

- Aurélie : ça parle bizarre

- Victor (tout bas, le professeur n’entendra pas) : c’est un gars de ch’nord

- Maxime : il manque des lettres : rin à la place de rien, Xiste à la place de existe

- Adrien : y’a pas de sujet

- le professeur : qu’entends-tu par là ?

- Adrien : ben… pas de pronom personnel

- le prof. : vous vous attendez à quel pronom ?

- plusieurs réponses fusent en même temps : il…ben non, tu….on…..non, vous….elle…

- Adrien :  y’a toujours A

-Selim : c’est que des questions et des  réponses

- le prof : oui…pourquoi ce serait  de l’ancien français ?

- Justine : la formation des phrases, par exemple : quoi qu’a dit ?

- le prof :  en effet. Et si vous aviez ce texte à commenter, que diriez-vous encore ?

-Angélique :  il y a des mots qui n’existent pas : rin, Xiste

- Delphine : ça a pas de sens

- le prof : en quoi ?

- Delphine : ben, ça pose des questions, et les réponses derrière, elles reprennent les termes de la question…c’est toujours pareil.

- Guillaume : ça  raconte rien

- Clément : on dirait le langage d’un petit

- le prof. :  les questions ou les réponses ?

- Clément : ben les 2

- Estelle : ça raconte rien.

- les autres en chœur à Estelle : on l’a déjà dit !

- Estelle : oui, mais je veux dire ça tourne en rond, y’a pas de réponse consistante

- Guillaume : c’est une tautologie

- prof : tu veux dire… ça se répète… ?

-Lucie :  ça forme une boucle sans fin

- Charlène : les réponses, elles relancent pas le sujet, ça répond seulement à la question et puis c’est tout, ça relance pas sur un autre sujet.

- Clément : …et la réponse, elle a aucun sens : on ne peut pas ne pas exister si on parle ! on ne peut pas parler si on n’existe pas

- le prof : redis-nous ça Clément ?

- pendant que Clément répète, l’ensiegnant note la phrase au tableau, et Victor chuchote tout bas (et personne ne l’entend) : c’est peut-être un fantôme…

- Elodie : la dernière phrase, ça fait un genre de conclusion, ça rassemble tout.

- le prof : tout quoi ?

- Elodie : ben, tous les paragraphes.

- Guillaume :  la môme néant, mais ça veut dire quoi « la môme » ?

- Estelle : c’est un titre schmilblick

- prof : que veux-tu dire Estelle ?

- Estelle: ça a pas de sens, pas de rapport avec le texte

- Victor à voix basse : ben si…(le prof n’entend pas)

- Clément : ça a peut-être un rapport avec le langage enfantin : môme= enfant=petite fille

- Guillaume : ouais, mais c’est péjoratif comme mot, non ?

 -Justine : et Néant, ça veut dire « vide »…ben alors c’est normal de pas avoir de réponse

-Clément :  alors le titre il a un rapport avec le texte

- Elodie : y’a un paradoxe

- Guillaume : oui, un enfant, ça représente la vie, ça peut pas être « vide »

- Elodie : c’est ça..la môme, c’est la vie, tandis que le néant, c’est la mort. On peut penser que le néant, c’est par rapport à son langage…à ses connaissances

-Charlène : la môme, elle se questionne, c’est sa pensée, elle parle toute seule, elle se répond à elle-même

- Justine : on peut penser qu’elle est pas bien dans sa tête, elle fait rien, elle pense à rien..

- Clément : ben si elle parle toute seule, elle est pas bien, c’est de la schizophrénie.

-Estelle :  on a l’impression qu’elle s’ennuie, elle a pas de goût à la vie.

- Guillaume :  schizophrénie, c’est une double personnalité ?c’est ça, hein ?

silence

- le prof relance : quelle est la forme de ce texte ?…depuis tout à l’heure vous me parlez de « texte » …

- Selim : on dirait que c’est en vers, avec des paragraphes.

- le prof. : des paragraphes ?

- Selim : euh, non, des strophes.

- Floriane :  y’a des rimes

- le prof : lesquelles ?

- Floriane : ben…

- le prof : oui, « ben », ça rime avec « rin » remarque ! Précise la nature de ces rimes

-Floriane :  suivies…ou plates..

- Clément : y’a quand même une anaphore : « rin » à chaque fois…c’est des rimes anaphoriques

- Guillaume : et puis « pourquoi » aussi

- Floriane : ça peut pas être une gradation ?

-Guillaume :  ou une accumulation ?

- Floriane : oui...avec « dire »/ « faire »/  « penser »

- Elodie : A, ça pourrait désigner la petite fille

Le prof : pourquoi ?

- Elodie : parce que c’est repris à chaque fois à la place du sujet

- prof : tu veux dire que A peut être lu comme le sujet grammatical ?

- Guillaume : si c’est un sujet grammatical, ça donne plus de sens

- prof : alors finalement, ça aurait du sens ?

- Estelle : faut dire qu’y a beaucoup de choses à dire sur un petit texte

- Elodie : y’a plusieurs hypothèses en fait, on a beaucoup d’hypothèses

- Guillaume : oui, mais pas sûres

- Clément : c’est ambigu, on est dans le doute, on est dans le vide…

- Justine :  ouais…dans le « néant » (rires)

- prof : oh je prends, je le note aussi ça…

- Guillaume : on dirait qu’elle s’acharne, elle veut absolument savoir, et l’autre, elle lui répond toujours pareil.

- prof : « elle » ? c’est la môme Néant ? alors et l’autre ? qui c’est ? y’aurait deux personnages ?

-Sélim :  ben on n’en sait rien…c’est même pas sûr

-Guillaume :  ouais, mais on a dit tout à l’heure qu’elle avait une double personnalité

- prof : pensez à A, la lettre A….qu’est-ce que ça peut représenter

-Adrien :  A= je

- prof : équivalence, égalité…à quoi ça vous fait penser ?

-Aurélie :  si A c’est je, alors c’est « j’existe pas »

-Floriane :  oui, mais c’est « dit » avec un « t », pas je « dis » rien, donc A=je, ça peut aller pour la dernière phrase seulement.

- Justine : elle se considère pas vraiment puisqu’elle parle d’elle à la 3ème personne

- Aurélie : elle se sent transparente

- Estelle :  ignorée

- Elodie : il se dégage par rapport au texte, il met une certaine distance

- Floriane :  c’est embêtant…pour pas dire…euh… « ch… »... parce qu’on saura jamais ! on sait pas l’auteur, pas l’époque !

- le prof : allez, je vous le dis : c’est un auteur du XXème siècle

-  (les élèves en chœur) : merci

- prof : l’auteur s’appelle Tardieu

(il note au tableau)

- prof : donc est-ce que c’est de l’ancien français ?

- en chœur : c’est du patois !

- Victor, tout bas (on ne l’entendra pas) : ah ben il est du Nord alors l’auteur ? j’avais raison ?

- Adrien :  il est d’ici ? de ch’nord ?

- prof : non, est-ce un patois forcément nordiste ?

- non…

- prof : j’en reviens à A= …..si je l’écris (il note au tableau)..vous n’avez jamais vu ça ?

- Guillaume :  des équations ?

- Justine : des maths mélangés à du français !!??!!

- Estelle :  si c’est des équations, alors il faut trouver quelque chose…la personne essaie de trouver un résultat de sa vie….

- prof : tout à l’heure Estelle, avec « schmilblick », tu étais pas loin de cette idée, tu tournais autour…

- Estelle : dans les équations, y’a des inconnus…peut-être qu’elle cherche des réponses dans la vie…

- Aurélie : elle cherche à se connaître

- Les autres : on l’a déjà dit…

- Clément : même si elle se cherche, et tout…la fin est quand même très pessimiste

- Le professeur  à Nadège : tu veux ajouter quelque chose ?

- Nadège : je voulais dire aussi que c’était négatif, le résultat de son équation, c’est l’ensemble vide

- Sélim :  le néant

- Clément : ben, c’est une équation impossible à résoudre alors

                                                                           silence

- prof : est-ce que vous avez dit tout ce que vous vouliez dire ? des choses à ajouter ?

- Justine :  ben c’est tout là, on tourne en rond, on trouvera plus rien

-  Estelle : ouais, on revient au point de départ

- Floriane :  comme le poème, c’est une boucle…

- prof : qu’est-ce que vous pensez de ce poème finalement ?

-  (en chœur) : bien !

- bizarre

- sombre

- pessimiste

- prof : peut-on faire une conclusion ?

- Guillaume :  ouais, on peut dire qu’on reste dans le doute…le poème apporte aucune réponse

- prof : est-ce que vous pensez que c’est facile d’écrire des poèmes comme ça ?

- Justine :  peut-être qu’il s’est inspiré de la vie de quelqu’un

- Adrien :  il veut nous faire réfléchir

- prof : est-ce que ça a été simple à écrire ?

-Aurélie :  non, c’est réfléchi

- Justine : pourtant ça a une apparence simple

prof : on n’en sait rien non plus en fait…vous vous souvenez de Rimbaud ? ce qui vient comme ça ?

- (en chœur) :  les Illuminations

-Clément :  ouais, comme les ampoules dans la tête des personnages dans les dessins animés

- prof : finalement, y a-t-il un thème ?

- Estelle :  le néant

-Justine :  l’existence

-Guillaume :  les pensées

 

sonnerie

 

Document 4 : transcription de l’enregistrement, groupe stagiaires PLC2, dernière journée de formation disciplinaire, juin 2006

 

- Moi : que pensez-vous de ces deux échanges, celui entre profs, 4 d’entre vous, et celui entre élèves…

- Marie : à propos des élèves, c’est marrant, parce que pour mon parcours spécifique, j’ai pu assister à une séance en CE1 sur le même texte, et les premières réactions ont porté tout de suite sur le A, qui est « A » ?…et ils ont dit que la poésie, c’était un peu comme un rêve…

- Stéphanie : qu’est-ce qu’ils voulaient dire ?

- Marie : ben, pour les uns, la situation n’était pas réelle, c’était un rêve, quelqu’un qui rêvait, et pour d’autres, c’était deux enfants qui se rencontraient sur le chemin de l’école, comme s’ils éprouvaient le besoin de ramener la situation à quelque chose de familier ...

- Moi :  et est-ce qu’un échange a eu lieu entre les enfants à ce sujet ?

- Marie : et bien non justement, moi j’ai trouvé ça frustrant, mais l’objectif de la maîtresse en fait, c’était un travail sur les pronoms. Les élèves de Pierre-Eric disent plus de choses, mais pas parce qu’ils sont plus grands, en seconde, parce que Pierre-Eric les laisse passer d’une remarque à une autre librement, je pense…

P-E : Merci….mais je dois dire qu’ils m’ont épaté, je les ai trouvés incroyables ce jour-là…

Grégory : c’est vrai ? Tu les as trouvés différents par rapport à d’habitude ?

P-E : bon, ils sont toujours très vivants, très bavards, mais d’habitude, ils se lassent vite, je dois relancer beaucoup plus, là, je les suivais en fait…

Moi : pourtant c’est vous qui aviez choisi d’abandonner progressivement les questionnaires, le travail cadré par ateliers ….

Mathilde : oui, tu as choisi de leur faire confiance…donc tu les penses dignes de confiance…

P-E :….ben oui…c’est vrai…c’est inconscient alors… parce que j’étais inquiet….

Moi : et finalement ils ont dépassé vos attentes ?

P-E : oui, quand je leur donne un extrait de roman, ils s’expriment beaucoup moins…c’est le texte je crois, finalement…voilà, ils ont été libérés de l’obligation de trouver un sens, ils ne le sont pas devant un extrait narratif…si, ils ont déjà été très productifs à l’oral, mais c’était sur un extrait de film….

Mathilde : finalement ça me fait regretter de pas l’avoir fait…

Moi : puisque vous en parlez…vous m’aviez fait l’effet, pendant le cercle de lecture, d’être très motivée….

Mathilde : pour être honnête…la poésie, c’est le genre que je maîtrise le moins…je suis pas à l’aise avec la poésie….en général, je préfère le théâtre et le roman…

Moi : quand vous dites « être à l’aise », ce n’est pas comme lectrice, vous voulez dire « à l’aise  pour en parler en classe » ?

Mathilde : oui, je ne sais pas par où commencer avec la poésie…un roman, une pièce, on entre progressivement dans un univers, construit….un poème…au fond je cherche un sens….

- Grégory : en tout cas, quand je relis ce que je disais à l’époque, je dois reconnaître que je me suis trompé…j’y croyais pas…j’ai eu tort sur toute la ligne…

- Moi : … pas si vite…bon entre Mathilde qui n’a pas confiance en elle, Grégory qui fait son mea culpa, et Pierre-Eric qui a « inconsciemment confiance » en ses élèves….assez de dévalorisation, aidez-moi les autres !

- Marion : … c’est vrai, le problème n’est pas de savoir qui a tort, qui a raison…. ( à Pierre-Eric) : qu’est-ce que tu vas faire maintenant ? Tu vas en rester là ? ...

- P-E : Justement, je me demandais, ils ont dit beaucoup de choses, mais, puisqu’on parle de confiance, comment les rendre conscients qu’ils ont dit quelque chose de pertinent ? …c’est une classe qui manque d’assurance...

- Marion : je ne suis pas persuadée qu’ils ont réalisé à quel point ils ont dit des choses essentielles, en particulier à la fin, sur l’apparente simplicité d’un texte finalement plus complexe qu’il n’y paraît… je veux dire que les élèves ont peut-être le sentiment d’une séance sympa, différente, sur un texte bizarre, un truc un peu à part par rapport à tout ce qu’ils ont fait depuis le début de l’année, mais qu’ils n’ont pas forcément réalisé que cette séance démontre des progrès dans leurs capacités de parler d’un texte…

- Moi : …comment faire pour que l’échange devienne un vrai moment d’apprentissage… ?

- Marion : voilà,  un vrai moment de prise de conscience de leur potentiel…

- Pierre-Eric : c’est vrai que j’ai pensé à leur dire à un moment que j’étais très content d’eux, qu’ils avaient bien participé…ils étaient venus de 8 à 9 alors qu’ils n’avaient pas cours de 9 à 12 ! …Je les ai félicités pour ça, pour leur participation orale, point, pour leur assiduité….c’est un comble quand même….au fond, j’y croyais pas non plus…

Grégory :…sauf que toi, t’as foncé quand même, t’as décidé de surmonter tes préjugés…moi, pas…et c’est marrant, parce que moi j’avais l’impression que toi et Mathilde, vous saviez où vous alliez…

- Sylvain :…en fait, faut oser..

- Moi : oser quoi ?

- Marion : …l’inquiétude, l’inconfort…l’insécurité…

 

 



[1] Allusion à un poème dont j’ai parlé lors d’une précédente journée de formation : « L’Instant Fatal » :

Bon Dieu de bon Dieu que j’ai envie d’écrire un petit poème

Tiens en voilà justement un qui passe

Petit petit petit

Viens ici que je t’enfile

Sur le fil du collier de mes autres poèmes

Viens ici que je t’entube

Dans le comprimé de mes œuvres complètes

Viens ici que je t’enpapouète

Et que je t’enrime

Et que je t’enrythme

Et que je t’enlyre

Et que je t’enpégase

Et que je t’enverse

Et que je t’enprose

 

La vache

Il a foutu le camp

 

Et « Pour un art poétique » :

Bien placés bien choisis

Quelques mots font une poésie

Les mots il suffit qu’on les aime pour écrire un poème

On sait pas toujours ce qu’on dit

Lorsque naît la poésie

Faut ensuite rechercher le thème

Pour intituler le poème

Mais d’autres fois on pleure on rit

En écrivant la poésie

Ça a toujours kékchose d’extrême

Un poème.

 

 

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